Pour les meurtris du travail, « 64 ans, ça ne va pas être possible »

Nîmes (Gard), reportage

Travailler jusqu’à 64 ans ? Pas question, et même pas possible, ont répondu de nombreux salariés dans la rue jeudi 19 janvier. Qu’ils aiment ou pas leur métier, celui-ci leur abîme le corps, la tête, la santé… Reporterre a recueilli leurs témoignages lors de la manifestation à Nîmes, qui a rassemblé entre 12 000 (selon la préfecture) et 20 000 personnes (selon les syndicats). Une mobilisation exceptionnelle pour la ville.

André : « Ce sera l’inaptitude, puis le chômage, le RSA, et enfin la retraite »

André Soutoul, chauffeur travaux publics, 52 ans — Ils sont une quinzaine, avec leurs gilets orange siglés du nom de la boîte. Carrures solides mais la parole timide, ils désignent leur délégué syndical [CFTC|Confédération française des travailleurs chrétiens] chez Eiffage route, André Soutoul. Parmi eux tous, « il n’y en a pas un qui a déjà fait une manifestation », assure-t-il. Lui n’est syndiqué que depuis six ans. Il l’a fait pour les collègues, lorsque le délégué syndical de l’époque est parti à la retraite et lui a demandé de prendre la suite. Il n’a pas le ton revendicatif et explique calmement les raisons de leur venue, pour la première fois, en manifestation : « On est dans l’incompréhension. Comment est pris en compte la pénibilité, le fait d’avoir commencé à 16 ou 20 ans. On se disait encore 8, 9 ans et c’est bon. Finalement non. Et puis il y a le carburant, l’inflation… »

Lui a commencé à travailler à 16 ans, en boulangerie, puis a passé le permis poids lourds. Sur son camion, il transporte des machines de chantier. « On a sans cesse des manipulations. Attacher les machines, les monter, descendre », explique-t-il. Il a mal aux bras, aux articulations, aux muscles, se fait des torticolis. « Pourtant, en 19 ans de boîte, je me suis arrêté seulement 3 semaines. » Avec ses collègues, ils construisent des routes. « Il n’y en a pas un qui arrive au bout. À 58 ans, on part en inaptitude. Alors, c’est le chômage, puis la retraite. » Si celle-ci est décalée à 64 ans, « il y aura aussi le RSA », craint-il.

Il serait favorable à une réforme « où tout le monde prend ses responsabilités : moitié pour les ouvriers, moitié pour le patronat ». L’énervement perce quand il évoque la sourde oreille de Macron. « Il ferait mieux d’écouter ce qui se passe en bas, conseille-t-il. Les gens deviennent fous. » Lui et ses collègues semblent prêts à se mobiliser à nouveau. « La prochaine manif’, on monte à Paris », lance-t-il, avec élan, avant de retrouver son air calme : « Je plaisante. »

Isabelle : « On travaille la nuit, les week-ends, les jours fériés »

Isabelle, 53…

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Auteur: Marie Astier Reporterre