« Pour Macron, les savoirs scientifiques sont des outils de communication »

Jérôme Santolini est directeur de recherche, au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). En 2020, il a rejoint l’Appel des 1 000 scientifiques à la désobéissance civile et est devenu l’un des coordinateurs du collectif Scientifiques en rébellion.

Reporterre — Quelle a été votre réaction en entendant le président prononcer « Qui aurait pu prédire la crise climatique ? » lors de ses vœux du 31 décembre ?

Jérôme Santolini — Cela traduit un non-respect évident de tout le travail effectué par des milliers de scientifiques depuis des dizaines d’années. Un travail d’ailleurs sollicité par le gouvernement. Pourtant, Emmanuel Macron, s’étant proclamé héros de la défense du climat, assure qu’il n’était pas au courant de la crise climatique. Étonnant ! En réalité, cette phrase illustre bien le peu d’efforts que ce gouvernement a l’intention de consacrer à la question climatique. Il ne se sent pas responsable, il se dit peu informé et démuni. C’est une façon de justifier le peu de résultats qu’il a obtenu.

Je pense que l’exécutif observe la science avec légèreté. Il y a une forme d’obscurantisme ou de scepticisme par rapport aux données scientifiques. Ce n’est pas neuf, mais ça fait toujours mal pour la communauté scientifique d’être si peu considérée.

Une chose est sûre, il ne s’agit pas d’une erreur. À ce niveau-là, et en particulier pour les vœux du 31 décembre, les discours sont travaillés et retravaillés. Chaque mot est pesé, calculé et cette phrase-là n’a rien d’une improvisation. Emmanuel Macron est passé maître dans l’art de la communication. Sa politique climatique repose d’ailleurs essentiellement sur des effets d’annonce. Pour lui, les savoirs scientifiques sont des instruments, des outils de communication. En fonction de ses objectifs, il choisit de prendre en compte ou non certains éléments. Cela a été le cas avec le Covid, et ça l’est aussi pour le climat.

Cet automne, les membres du gouvernement ont reçu une formation scientifique largement médiatisée. N’ont-ils donc rien retenu ?

La formation aurait été dispensée à une classe de primaire, les élèves l’auraient comprise. L’effet de serre, on connaît ça depuis 170 ans. Le réchauffement climatique, pareil. Ces phénomènes ne nécessitent pas de formations poussées. N’importe qui comprend que nous sommes entrés dans une période inédite de grands dangers pour les écosystèmes et l’espèce humaine. Les aléas climatiques qui nous touchent tous les ans ont fini de convaincre les derniers sceptiques de cette planète.

Non, la démarche n’est plus d’informer ni même de convaincre. La vraie question désormais,…

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Auteur: Emmanuel Clévenot Reporterre