Pour redonner du sens au travail, il faut le libérer du capital

Avec la pandémie et ce que certain·es ont appelé aux États-Unis la « grande démission », on a beaucoup entendu qu’il fallait redonner du sens du travail. Mais l’appel, qui n’a d’ailleurs rien de nouveau, est bien souvent incantatoire ou se trouve réduit à des aspects cosmétiques du travail. On se demande trop peu le type de transformations qu’impliquerait de redonner du sens du travail. Juan Sebastián Carbonell discute ici l’analyse et les propositions qu’avancent Thomas Coutrot et Coralie Perez dans leur dernier livre : Redonner du sens au travail. Une aspiration révolutionnaire (Seuil, 2022).

Dans Redonner du sens au travail, Thomas Coutrot et Coralie Perez prolongent les réflexions des auteur.trices au sein des débats de la gauche sur la place du travail et des évolutions récentes des relations professionnelles. En effet, dans Libérer le travail, Coutrot affirme que la gauche en France s’est peu posée la question du sens du travail, occupée davantage par celle des salaires et du temps de travail (donc, du prix du travail) et des conditions de travail. Cette marginalisation de la question du contenu du travail était acceptable en raison du compromis fordiste.

Mais ce compromis s’est progressivement essoufflé dans le dernier quart du XXe siècle pour au moins quatre raisons : les salaires ne suivent plus l’augmentation de la productivité, le travail s’appauvrit, devient victime de règles de plus en plus absurdes, les salarié.es sont pris.es entre le marteau des objectifs et l’enclume de la réalité du travail, tandis que la crise écologique a rendu caduque un certain productivisme.

Enfin, la crise sanitaire aurait contribué à remettre davantage en question le compromis fordiste : elle a poussé des millions de personnes à s’interroger sur le sens de leur travail, à se rendre compte que si nous aimons notre travail, notre travail « ne nous aime pas en retour »[1]. On se poserait alors davantage la question du sens de notre activité : est-elle utile, inutile, ou même nuisible à la société ?

Il faut rappeler d’emblée que d’autres auteurs se sont posés la question du contenu du travail. L’équipe de Christian Baudelot et Michel Gollac a interrogé, il y a vingt ans, le rapport entre bonheur et travail à partir d’une vaste enquête statistique[2]. Ils rappellent en outre que le travail c’est plus que le travail, il détermine non seulement notre niveau de vie, mais aussi les identités sociales et le bonheur des individus selon une multitude de variables.

Mais ils…

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Auteur: redaction