Pour Simone Weil, « la grève est une joie pure »

Cet article parle de la philosophe Simone Weil (1909-1943), à ne pas confondre avec la femme politique Simone Veil (1927-2017).


On doit à la philosophe Simone Weil l’un des plus beaux textes écrits sur la grève. Dans l’effervescence de mai 1936, à 27 ans, la jeune femme raconte, in situ, la joie et la dignité retrouvées par les travailleurs qui occupent leur usine. Le fracas des machines s’est tu, les contremaîtres ont fui. La grève offre un temps suspendu où l’espoir renaît, et où ce qui paraissait impossible la veille devient désormais à portée de main et de luttes. « Enfin, on respire ! » écrit-elle dans un article de la revue syndicaliste La Révolution prolétarienne.

À la faveur du Front populaire, des millions d’ouvriers ont envahi leurs lieux de travail. De manière spontanée et éruptive. Sans plan préétabli. Ils ne pouvaient simplement plus attendre après des années d’humiliation et de souffrance. Il fallait au plus vite « desserrer l’étreinte ». « Ne plus être une bête de somme docile. »

Ce qui se jouait à l’époque n’avait rien à voir avec « des grèves corporatistes », assure Simone Weil. « C’était le rassemblement au grand jour des opprimés contre les oppresseurs. Le début classique de la révolution. » On défiait, enfin, le pouvoir. On affrontait dans les yeux les patrons. Avec une fierté nouvelle.

« Une joie pure et sans mélange »

« Il s’agit après avoir toujours plié, tout subi, tout encaissé en silence pendant des mois et des années, d’oser enfin se redresser. Se tenir debout. Prendre la parole à son tour. Se sentir des Hommes, pendant quelques jours. Indépendamment des revendications, cette grève est en elle-même une joie. Une joie pure. Une joie sans mélange », décrit la philosophe.

Près de quatre-vingts ans plus tard, ses mots nous parlent au présent. La mobilisation actuelle contre la réforme des retraites se veut, elle aussi, une réponse à l’arrogance des puissants. Le député François Ruffin dit qu’« il faut toucher les cœurs, réveiller la joie et l’orgueil contre la résignation ». La prix Nobel de littérature, Annie Ernaux, nous invite à « relever la tête ». La grève est l’ultime arme des dépossédés. Le dernier atout pour ne plus courber l’échine. Il faut tout arrêter pour que tout renaisse.

Simone Weil l’avait pressenti et vécu dans sa chair. En 1934, pendant près d’un an, elle fit l’expérience de la condition ouvrière. Asservie à sa machine et à sa cadence infernale, éprouvant la fatigue et la faim, elle voulait vivre au plus près ce que subissaient les classes laborieuses, affronter « l’épine de la réalité ».

« Toute pensée doit devenir action »

Elle…

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Auteur: Gaspard d’Allens Reporterre