Pourquoi changer le nom d’une commune ?

Bono, Cadillac, Cramchaban, Montreuil et Saint-Christophe. Telles sont les cinq communes, situées respectivement dans le Morbihan, en Gironde, en Charente-Maritime, dans le Pas-de-Calais et dans l’Allier qui changeront de nom au 1ᵉʳ janvier 2023. Il faudra désormais les appeler Le Bono, Cadillac-sur-Garonne, Cram-Chaban, Montreuil-sur-Mer et Saint-Christophe-en-Bourbonnais.

L’an passé, elles étaient au nombre de 11, et le phénomène n’a rien d’une mode récente. Au cours de l’Histoire, les guerres et invasions, les regroupements et les scissions ou simplement l’évolution de la langue ont conduit nombre de communes à être rebaptisées. À la Révolution, elles n’ont pas été moins de 3000 concernées. Un décret de la Convention nationale du 16 octobre 1793 a en effet appelé à modifier « les noms qui peuvent rappeler les souvenirs de la royauté, de la féodalité ou de la superstition ». Si la plupart des communes ont ultérieurement retrouvé leur appellation d’origine, la problématique du changement de nom n’a pas pour autant disparu.

Depuis 1943, le fichier historique des communes de l’Insee, adossé au Code officiel géographique (COG) permet de recenser les évolutions officielles. Près de 1352 changements sont ainsi recensés en plus des cinq de cette année, et ce sans comptabiliser les créations de communes nouvelles. Depuis 2000, le nombre s’élève à 165.

Dans la grande majorité des cas, il s’agit d’un allongement du nom, Saint-Loup devenu par exemple Saint-Loup-des-Bois ; Laval, Laval-en-Belledonne. Les changements d’orthographe ou de typographie (de Sougéal vers Sougeal, Montgaillard vers Montgailhard) ne sont pas rares non plus, contrairement aux simplifications telles qu’un passage de Champdeniers-Saint-Denis à Champdeniers, et aux modifications combinatoires du type Barret-le-Bas vers Barret-sur-Méouge.

Le choix d’un nom nouveau est, lui, encore plus rare et les nouveautés totales semblent se limiter aux cas de fusions. Dans les Côtes-d’Armor, suite à la fusion de Plémet et La Ferrière en 2016, la commune nouvelle est appelée Les Moulins (avant de reprendre le nom de Plémet dès la fin 2017).

Quand elle n’est pas contrainte par une réorganisation administrative, qu’est-ce qui peut bien pousser un conseil municipal à entreprendre la démarche ? Ce que nous montrons dans un travail de recherche récent, c’est que, bien que cela ne puisse pas être présenté comme un motif devant les administrations centrales, les enjeux d’image tiennent une place centrale.

Une procédure très encadrée

Revenons tout d’abord sur la procédure à suivre pour en montrer les limites. La note d’information relative à l’instruction de demandes de changement de nom des communes du 6 février 2021 rappelle les différentes étapes et les différentes contraintes.

Est considéré comme changement de nom, toute modification du nom officiel, y compris « de simples rectifications d’orthographe ». La demande de changement doit être initiée par la commune par une délibération du conseil municipal transmise au préfet du département. Celui-ci vérifie le respect des règles de graphie liées notamment aux traits d’union, aux majuscules ou aux accents. Il sollicite l’avis du service des archives départementales, puis saisit le Conseil départemental pour avis.

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Suite à la suppression de la Commission de révision du nom des communes en 2019, l’acceptation ou le refus du changement se fait par un simple examen des dossiers par la Direction générale des collectivités locales (DGCL), contenant les délibérations et avis de tous les acteurs précités. Pour prendre sa décision, elle tient compte du respect des règles de jurisprudence du Conseil d’État selon lesquelles un changement de nom doit être justifié par la volonté de retrouver une appellation historique ou bien la volonté de se différencier d’autres communes.

En revanche, les changements fondés « sur des considérations de simple publicité touristique ou économique » sont rejetés. La DGCL peut aussi consulter des personnalités issues par exemple de la Commission nationale de toponymie, de l’Institut national de l’information géographique et forestière (l’IGN), du…

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Auteur: Eric Delattre, Maître de Conférences en Gestion, Université de Lille