Pourquoi j'ai voulu tuer Louis-Ferdinand Céline. Polar historique. — Bernard GENSANE

Donc, par peur d’en rajouter, je vais essayer de me calmer et de trouver des défauts (un, en tout cas) à cette quasi perfection, œuvre d’un homme de cœur et d’un ami cher.

 En 1943 à Paris, quelques résistants, parmi lesquels figure Roger Vailland, se réunissent au quatrième étage d’un immeuble. Au troisième vit Louis-Ferdinand Céline, bonhomme et écrivain ignoble (quoique extrêmement talentueux qui se définissait comme l’écrivainissime), antisémite, soutien de l’occupant nazi, atrabilaire, en un mot répugnant. Un résistant imagine d’assassiner Céline pour, d’une part, débarrasser le pays de cette horreur intellectuelle et pour, d’autre part, ébranler le moral de la France de Pétain et de l’occupant massacreur de résistants. Le projet fait débat. Il tourne autour de l’homme et de l’œuvre. Peut-on dissocier l’un de l’autre ? Peut-on, dans un même mouvement, vouloir la disparition d’une crapule et accepter la fin des créations géniales produites par cette même crapule et faire comme si ses livres n’avaient jamais été écrits ? Art, morale et politique s’interpénètrent, exacerbés. D’autant que l’auteur de Bagatelles pour un massacre (vendu à 75 000 exemplaires dès avant l’Occupation, ô Robert Denoël !), cet être nauséabond n’a jamais tué, physiquement, qui que ce soit. Les débats cornéliens dans le théâtre de Corneille étaient de la petite bière à côté de ce dilemme inhumain. Il ne faut pas oublier, estime un des personnages que, « quelles que soient les horreurs véhiculées par un intellectuel ou un artiste, c’est une pensée, c’est un art qui s’expriment. L’œuvre, la création, ne doivent pas être ligotées par les vicissitudes politiques du moment, ni appréciées à la lueur d’un contexte réduit et circonscrit dans un espace étroit. »

 Il n’en reste pas moins que l’auteur du Voyage au bout de la nuit a rarement été aussi bien mis en scène que dans ce passage : « Il peut avoir cent trouvailles écœurées chaque matin. Il est verveux. Suffit de presser sur le bouton du cerveau marqué « exécrations diverses », juste à côté de ceux des aigreurs, du fiel de la bile jaune, des acrimonies. Il irait bien en chaussettes, mais comment, alors, ne pas remarquer l’ourlet de son pantalon fabriqué dans le Sentier. S’ils se défait de tous les habits fabriqués par des yous, il sortira cul nu, Louis-Ferdinand. Et le square Junod n’en sera pas embelli. Bref, il marche avec l’air du type qui se demande comment faire sauter la…

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Auteur: Bernard GENSANE Le grand soir