Pourquoi la suppression des jurys populaires est-elle une mauvaise nouvelle ?

Le jury populaire de cour d’assises est en danger. Depuis le 1er janvier, des cours criminelles départementales exclusivement composées de magistrats professionnels (cinq au total) remplacent les cours d’assises pour juger en première instance les crimes punis de quinze ou vingt ans de réclusion criminelle (essentiellement les viols, mais aussi les coups mortels, les tortures, les actes de barbarie ou encore les vols à main armée).

Benjamin Fiorini

Maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à l’Université Paris 8.

Le jury populaire, cet héritage démocratique issu de la Révolution de 1789, disparaîtra ainsi dans 57 % des affaires qui lui revenaient jusqu’alors, de sorte que la participation citoyenne à la justice criminelle deviendra minoritaire dans notre pays.

Cette évolution est fortement préjudiciable pour notre démocratie et pour la qualité de notre justice, et ceci à plus d’un titre. Tout d’abord, dans la tradition héritée de la Révolution de 1789, le jury est conçu comme un instrument politique au service de la liberté, car dans l’hypothèse où la justice deviendrait inique, il permettrait aux citoyens d’endiguer la tyrannie des juges. Il est d’ailleurs remarquable qu’historiquement, le jury populaire fût souvent supprimé ou fragilisé par des régimes autoritaires, tels que l’Italie fasciste (1931), l’Espagne franquiste (1936) ou la France vichyste (1941).

Un outil au service de la citoyenneté

Le jury est également un vecteur d’humanité, puisque sa participation repose sur le principe d’oralité des débats, qui oblige les acteurs du procès à faire montre de pédagogie pour expliquer aux jurés les circonstances de l’espèce et ses implications juridiques, ce qui génère un effet cathartique dont les bienfaits dépassent les enjeux strictement juridiques du procès. Comme le souligne l’ethnologue Christiane Besnier dans l’un de ses écrits, « la durée des audiences ne doit pas être brève, ni trop professionnalisée, afin de laisser une chance au lien social de se restaurer entre les parties ».

« Réduire l’un des derniers espaces de démocratie participative en matière judiciaire semble particulièrement malvenu »

Le jury représente, enfin, un outil au service de la citoyenneté. Comme l’écrivait Alexis de Tocqueville dans son ouvrage De la démocratie en Amérique, le jury « sert à donner à l’esprit de tous les citoyens une partie des habitudes de l’esprit des juges ; et ces habitudes sont précisément…

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Auteur: Benjamin Fiorini