Pourquoi les betteraves bio sont rares en France

Il est presque une curiosité dans le paysage agricole. Sébastien Lemoine, 53 ans, est l’un des rares producteurs de betteraves sucrières bio en France. « Cette année, je vais semer 5 hectares », indique-t-il en marchant dans la cour de sa ferme, à Gouzeaucourt (Nord). En France, les betteraviers bio ne représentent que 0,5 % de l’ensemble des planteurs de betteraves sucrières. Lors de la campagne 2021-2022, seuls 1 800 hectares de betteraves bio ont été plantés, sur 402 000 hectares. Désormais, l’État ayant définitivement interdit les néonicotinoïdes, ces insecticides tueurs d’abeilles, les producteurs vont devoir s’inspirer des pratiques des quelques centaines de planteurs bio.

Pour quelle raison cette culture attire-t-elle si peu ? « Ce qui pose problème avec la culture de la betterave bio, c’est le désherbage », explique Sébastien Lemoine. La betterave sucrière est particulièrement sensible à la concurrence des « mauvaises herbes ». Mais puisque les producteurs bio n’utilisent pas d’herbicides, tout le désherbage doit se faire à la main, ou mécaniquement.

« On peut passer 40 à 250 heures de travail sur 1 hectare », poursuit Sébastien Lemoine. Il sort sa calculette : « 250 heures multipliées par, disons 16 euros, ça fait déjà 4 000 euros de charges de main-d’œuvre saisonnière à l’hectare. C’est un coût important. » Cela ne rebute pas cet agriculteur, qui estime que cela fournit du travail aux habitants de la région, mais d’autres planteurs rechignent à le faire.

« En 2019, on a fait des betteraves sucrières sur une petite surface — 2,5 hectares — pour essayer », témoigne Frédéric Lambin, producteur bio dans la Marne. Problème : lui et ses employés ont dû travailler plus de 200 heures à l’hectare, à biner les betteraves. « Ça représentait un coût faramineux, ce n’était pas du tout rentable », raconte-t-il. Sans compter qu’il avait « galéré à trouver du monde » pour biner dans ses champs. Deux ans plus tard, Frédéric Lambin a retenté sa chance, en utilisant cette fois un robot (d’une valeur d’environ 100 000 euros). Le temps de travail a été divisé par deux. « C’est un coût, mais ça reste toujours moins cher que la main-d’œuvre saisonnière, relativise-t-il. Sans ce robot, je ne me vois pas continuer à faire de la betterave sucrière. »

Des rendements moins importants

En raison d’une date de semis plus tardive, et d’une absence de produits chimiques, les rendements des betteraves sont également moins importants en bio qu’en agriculture conventionnelle. « Les producteurs conventionnels doivent en moyenne être à 80-90 tonnes de rendement [par hectare]. Nous, on plafonne…

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Auteur: Justine Guitton-Boussion Reporterre