Pourquoi les scientifiques veulent retourner sur la Lune ?

Les reports successifs du lancement de la mission Artemis I de la NASA mettent au premier plan les défis techniques et technologiques liés à un retour des humains sur la Lune et aux multiples étapes pour y parvenir.

Au-delà de ces difficultés et des enjeux politiques d’une reconquête de la surface lunaire, les récentes publications des premiers résultats obtenus sur les échantillons de notre satellite naturel rapportés par la mission chinoise Chang’e-5 rappellent que des avancées scientifiques majeures sont attendues concernant l’origine de la Lune et son évolution géologique.

La mission chinoise Chang’e-5

Le site d’alunissage de Chang’e-5, atteint le 1er décembre 2020, a permis un échantillonnage de la surface de Lune au nord de Oceanus Procellarum, l’« Océan des Tempêtes ». Cette zone est une mare lunaire, c’est-à-dire une tache sombre à la surface de la Lune couverte de basaltes, située à l’ouest de la face visible. Elle est le témoin d’une activité volcanique tardive et est donc susceptible d’apporter des informations importantes sur les derniers stades d’évolution de la Lune.

L’échantillonnage réalisé par Chang’e-5 est essentiellement constitué de particules fines du sol lunaire, le « régolithe », et de quelques clastes basaltiques, des petits morceaux de laves partiellement cristallisées. L’analyse détaillée de ces échantillons permet aujourd’hui d’améliorer nos connaissances de la géologie lunaire.

Vue du sol lunaire

Le panorama vu par Hires, de Chang’e-5, la dernière mission chinoise.
Riccardo Rossi/Flickr, CC BY-NC-SA

Les clastes de basaltes lunaires rapportés par Chang’e-5 ont été datés à environ 2 milliards d’années. Ce sont les basaltes les plus récents rapatriés sur Terre : ils sont plus jeunes d’environ 800-900 millions d’années que ceux des précédentes missions lunaires.

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Ces âges nouvellement obtenus permettent de proposer une nouvelle chronologie de la surface de la Lune, basée sur le lien entre l’âge des roches et la densité de cratères dans la zone d’échantillonnage. Cette méthode, qui est simplement basée sur le concept qu’une surface planétaire plus ancienne a été plus abondamment impactée, prend pour référence les données lunaires et est appliquée plus largement pour la datation des surfaces des planètes terrestres du système solaire, comme Mars et Mercure.

L’histoire de la Lune et son contenu en eau

Ces échantillons ramenés par Chang’e-5 révèlent aussi des informations importantes sur l’intérieur de la Lune.

En effet, la région de Oceanus Procellarum est reconnue comme étant enrichie en potassium, terres rares et phosphore, ou « KREEP », en référence aux éléments qu’il contient en plus forte abondance que les autres roches lunaires. Cet enrichissement en éléments dits « incompatibles » car ils ne veulent pas entrer dans les cristaux formés au cours du refroidissement est l’héritage de l’époque où la Lune était un océan de magma, un état primitif de notre satellite, qui était complètement fondu après son accrétion.

Cependant, les basaltes récoltés par Chang’e-5 dans cette région ne contiennent que peu de ces éléments chimiques. Cela implique que le « KREEP » n’est pas nécessaire au processus de fusion tardive de l’intérieur de la Lune (ce que l’on pensait jusqu’à présent). La Lune aurait plutôt subi un refroidissement prolongé, qui a permis une activité magmatique relativement récente.

Enfin, les analyses précises de certains minéraux, des apatites, dans les roches de Chang’e-5 ont aussi révélé la présence de quantité non négligeable d’eau sous forme d’ions hydroxyle OH⁻. Ceci corrobore les résultats de nouvelles analyses des échantillons collectés par les missions Apollo par des chercheurs américains, alors qu’auparavant, la Lune était considérée comme complètement « sèche ».




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Auteur: Bernard Charlier, Associate research scientist and Associate Professor, Université de Liège