Pourquoi mettre en avant ses bénéfices pour la santé ne suffit pas à promouvoir une activité physique régulière

Le constat n’est, certes, pas nouveau : l’activité physique est bénéfique pour notre santé… Dès 1953, l’épidémiologiste britannique Jeremy Morris apportait les premiers éléments de preuve à ce sujet. Il démontrait en effet que les conducteurs des bus rouges londoniens, assis durant 90 % de leurs trajets, présentaient un risque d’attaque cardiaque environ deux fois supérieur à celui de leurs collègues contrôleurs, qui eux, se déplaçaient entre les étages des fameux véhicules.

Depuis, les études épidémiologiques n’ont cessé de confirmer cette relation positive entre activité physique et santé – une association pouvant en partie s’expliquer par le rôle anti-inflammatoire et immunoprotecteur de l’exercice. Une augmentation de seulement 10 minutes d’activité physique d’intensité modérée à vigoureuse par jour pourrait sauver la vie d’environ 100 000 habitants des États-Unis chaque année.

Un remède « miracle » ? Oui, mais…

S’appuyant sur ces solides arguments, de nombreux messages de santé publique exhortent la population à être plus active physiquement, à l’instar du fameux slogan « manger, bouger ».

De prime abord, ces campagnes semblent efficaces : la plupart des personnes disent aujourd’hui connaître les bénéfices d’une activité physique régulière et déclarent avoir l’intention d’adopter un mode de vie physiquement actif.

Pourtant, en France, comme dans la plupart des pays du globe, les niveaux d’activité physique n’ont jamais été aussi bas et le temps sédentaire (activités réalisées en position assise ou allongée, avec une dépense énergétique équivalente à celle au repos) grimpe en flèche, chez les plus jeunes notamment. Aujourd’hui, 80 % des adolescents sont insuffisamment actifs à travers le monde et la durée quotidienne consacrée aux activités sédentaires a augmenté de 30 minutes par jour au cours des 15 dernières années.

Ce décalage entre louables intentions et actions véritables nous amène à l’interrogation suivante : vanter les bénéfices de l’activité physique pour la santé constitue-t-il un moyen efficace pour changer les comportements des personnes ?

La prise de décision, cause de tous nos maux

Comme dans les autres domaines de la vie, le choix d’aller courir plutôt que de regarder la télévision repose sur des processus décisionnels complexes que notre équipe de recherche multidisciplinaire tente de mieux comprendre.

En économie comportementale, en neurosciences ou en psychologie, la plupart des modèles théoriques s’accordent sur l’idée que nos décisions reposent sur la valeur subjective attribuée aux alternatives comportementales qui s’offrent à nous. Ainsi, plus la valeur attribuée à une alternative est élevée, plus la probabilité de la sélectionner augmente. L’utilisation des escaliers, dont les retombées pour la santé semblent évidentes, devrait constituer une option plus attractive que celle des escalators toujours encombrés… La santé n’est-elle pas notre bien plus précieux ?

Trois facteurs impliqués dans la prise de décision nous mènent à un tout autre constat. La quantité d’effort à fournir (effort-discounting) et le temps qu’il faut attendre (delay-discounting) pour obtenir ces bénéfices, ainsi que les biais cognitifs de distorsion des croyances (belief distorsion), diminuent de manière drastique la valeur subjective attribuée aux bienfaits de l’activité physique.

  • Premier paramètre : les bénéfices sur la santé ne sont obtenus qu’après avoir investi une quantité importante d’effort tout au long de sa vie. Or, en suivant la loi du moindre effort, un tel niveau d’investissement risque de fortement dévaluer la valeur attribuée aux bénéfices attendus. Une estimation rapide l’illustre bien : pratiquer les 150 minutes d’activité physique hebdomadaire préconisées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) au cours de sa vie d’adulte (entre 20 ans et 80 ans) reviendrait à passer environ 325 jours (nuits incluses) à courir après une meilleure santé. Un effort que d’aucuns pourraient trouver « excessif » pour espérer gagner entre 0,4 à 4,2 ans d’espérance de vie.

  • Second paramètre : la valeur subjective attribuée aux bénéfices de l’activité physique est réduite en raison de leur nature différée dans le temps et intangible. Depuis le

La suite est à lire sur: theconversation.com
Auteur: Silvio Maltagliati, Doctorant – Agrégé d’Éducation Physique et Sportive, Université Grenoble Alpes (UGA)