« Écartez-vous, quittez le trottoir immédiatement ! » : un officier de police tance la petite dizaine de personnes rassemblée autour du seul bistrot encore ouvert de la petite ville où je travaille le samedi. Pas de « s’il vous plaît » ou de référence à l’épidémie de Covid. Derrière son mégaphone posé sur la fenêtre ouverte de la voiture de police, le gradé n’a pas besoin de s’expliquer : après tout, la France fonctionne ainsi depuis un an. Le petit groupe – en réalité plusieurs duos et trios qui discutent en profitant du beau soleil de mars – s’exécute en ronchonnant. On y trouve aussi des vendeurs du marché d’à côté, levés à 4h, s’offrant leur seul moment de respiration de la matinée. Quelques personnes âgées, heureuses de se retrouver là après une semaine de solitude. Ou encore des jeunes parents qui font patienter leurs marmots et se racontent leurs dernières galères et maudissent ce couvre-feu qui n’en finit pas.
« A croire qu’ils prennent plaisir à nous faire ça », commente Juan*, gérant de salle de sport sec qui ne fait pas ses 59 ans, désœuvré depuis des mois et profondément amer. Chaque samedi, nous bavardons autour d’un café servi dans un gobelet en carton. En 2020, Juan cherchait des réponses, regardait des vidéos de Didier Raoult et de divers scientifiques plus ou moins conspirationnistes. Désormais, il attend que ça se passe, avec un penchant certain pour le désespoir. Comme beaucoup de gens, il souffre de l’absence d’horizon, se démoralise au sujet de la campagne de vaccination qui n’avance pas et surtout de toutes ces incohérences : on peut faire la queue à Super U, mais pas dans une brocante de village (toutes annulées). On peut aller dans une rue commerçante, mais pas se promener sur les quais des fleuves. On peut s’entasser à 17h30 dans le métro ou le RER pour respecter le couvre-feu, mais pas flâner sur la plage. Les conférences de presse de Jean Castex qui parle pour ne rien dire avec son air donneur de leçon lui mettent les nerfs en pelote, comme à nous tous.
Les marches du Sacré-cœur sont fermées au public. Paris, 6 mars 2021, photo par Jean CC
Jean Castex nous annonce les mauvaises nouvelles avec le même air satisfait et supérieur que celui de Pierre Pouëssel, le préfet de la région Centre-Val de Loire, lorsqu’il avait déclaré, le 22 octobre dernier : « la bamboche, c’est terminé ». On sent chez ces technocrates le plaisir qu’ils ont à nous ordonner de rester chez nous, comme on sent la…
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Auteur: Rédaction Frustration Mag