Un « fou » atteint du « syndrome d’hubris » et de « délire paranoïaque » : le champ lexical de la psychiatrie n’a pas manqué pour qualifier Vladimir Poutine. Quand il n’est pas comparé à Hitler, le dirigeant russe fait l’objet de rumeurs et de diagnostics à l’emporte-pièce dans les colonnes des journaux, comme sur les plateaux des chaînes d’info. Parmi les nombreux biais médiatiques dans le traitement de la guerre en Ukraine, penchons-nous donc sur celui-ci : la psychologisation de Vladimir Poutine, qui tend à dépolitiser et à évacuer les enjeux géopolitiques réels en se penchant sur le cerveau d’un homme… plutôt que sur le fonctionnement d’un régime autoritaire.
Une pratique bien repérée par Pierre Rimbert, dans Le Monde diplomatique :
À M. Volodymyr Zelensky, « héros de la liberté », les éditorialistes opposent un « paranoïaque », « avec ce visage rechapé au Botox qui lui donne une fixité inquiétante et cette phobie proprement hitléroïde des microbes et des virus » (Jacques Julliard, Marianne, 3 mars). Même souci de la mesure dans les colonnes de L’Obs : « une anomalie neurologique » et « des modifications du lobe frontal » induiraient chez le président russe un comportement proprement aberrant au regard des critères de santé mentale de l’hebdomadaire : « Poutine aurait tendance à examiner méticuleusement tous les aspects d’un problème, avant de trancher. » (3 mars). « Dans la guerre de l’image et de la communication, le maître du Kremlin, bientôt 70 ans, chauve, boursouflé, ne fait pas le poids face au sémillant président ukrainien, 44 ans », poursuit le magazine fondé par Jean Daniel.
Il est vrai que d’analyses hasardeuses en sujets totalement fantaisistes, en passant par des témoignages reconvertis en gros titres, les analogies ou références à Hitler se sont enchaînées depuis le début de la guerre, pour une information toujours plus décrépite.
Mais c’est surtout dans un savant mélange de sensationnalisme, de remplissage et de dépolitisation que de nombreux commentateurs consacrent émissions et colonnes à l’état mental de Vladimir Poutine. De « rumeurs » en diagnostics, les récits journalistiques s’empilent sur le sujet, plus prompts à servir une narration émotionnelle construite sur le vif (à renouveler et épaissir sans cesse) qu’une analyse à proprement parler. Dès l’édition spéciale du 24 février dans la matinale de France Inter, et bien que tempéré par Nicolas Demorand, Bernard…
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Auteur: Pauline Perrenot Acrimed