Premier concerné, premiers concernés

En tant que premier concerné, ma parole fait autorité.

Cette phrase est facile à écrire, tentante à penser. Éduqués en école juive, mes camarades de classe et moi avions très tôt été éveillés à la question de l’antisémitisme. Des croix gammées dans les manuels d’Histoire aux regards insistants sur nos kippot à la sortie du lycée, nous savions qu’en tant que Juifs nous étions victimes d’un mal particulier. Nous constations que nous étions considérés comme des gens à part et qu’en ce sens nous serions toujours l’autre, étranger dans le pays que pourtant nous habitions. La création de l’État d’Israël nous a été présentée comme une solution et mécaniquement le drapeau palestinien incarnait son refus – devenant de fait un signe antisémite. Nous étions les mêmes à aller aux marches en hommage à Ilan Halimi et aux manifestations en soutien à Israël. Ça allait de soi et entendre “Israël Assassin” dans des rassemblements en marge des nôtres nous glaçait le sang. Nous nous sentions visés, nous nous sentions diabolisés, nous nous sentions concernés. Israël, c’était nous. Or nous n’étions pas des assassins. Nous étions victimes, seuls contre le monde entier puisqu’il nous était visiblement interdit de revendiquer ce que tous les autres pays ont : une légitimité à exister. Cette délégitimation de notre émancipation nationale ne pouvait provenir que d’une chose : l’antisémitisme, partout, tout le temps. Comme l’exprimait avec émotion Herbert Pagani en 1975 dans son Plaidoyer pour ma terre : « Je ne veux plus être un citoyen-locataire. J’en ai assez de frapper aux portes de l’Histoire et d’attendre qu’on me dise : « Entrez. » Je rentre et je gueule ! »

En tant que premier concerné j’ai longtemps fait valoir ce ressenti auprès de proches qui ne l’étaient pas. Ma parole de premier concerné m’offrait le privilège de l’expertise par le simple fait de…

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Auteur: IAATA