Prendre en main la distribution alimentaire, un défi paysan

Le néopaysan Mathieu Yon est chroniqueur pour Reporterre. Il vous raconte régulièrement les joies et les déboires de son installation dans la Drôme en tant que maraîcher biologique en circuit court.

La concentration extrême de la distribution alimentaire est-elle compatible avec « la fin de l’abondance » ? Si nous prenions le langage au sérieux, « la fin de l’abondance » signifierait ni plus ni moins la fin de notre addiction à la consommation de masse et à ses hauts lieux que sont les centres commerciaux. Mais nous ne sommes pas sobres, nous commençons juste à prendre conscience de notre addiction.

Le premier hypermarché fut ouvert par Carrefour en 1963, suivi par Leclerc en 1964 et Auchan en 1967. En 1960, le commerce concentré ne représentait en France que 14 % de la distribution alimentaire. Aujourd’hui, il en capte 70 %. La grande distribution a absorbé les besoins alimentaires de la population, au point qu’il semble pratiquement impossible, dans de nombreux territoires, de pouvoir se nourrir sans pousser son chariot métallique à travers les rayons des supermarchés.

Michel Debatisse, et à sa suite la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) qu’il a dirigée de 1971 à 1978, avait perçu ce mouvement de concentration, faisant le choix d’y arrimer le monde paysan : « Les agriculteurs doivent donc se préoccuper au plus vite du problème de la distribution. S’ils s’en désintéressent, ils risquent de perdre leur indépendance, même en conservant théoriquement une liberté dans le cadre de leur exploitation. Celui qui sera “maître du marché” imposera, en fait, sa loi. Les paysans continueront à demander à l’État de fixer des prix théoriques, alors que les industriels et le négoce détermineront les cours réels. » (Michel Debatisse La Révolution silencieuse. Le combat des paysans, Calmann-Levy, 1963).

Pour lui, la standardisation et la concentration de la consommation étaient irréversibles, et le monde agricole devait s’y adapter sous peine de disparaître. La pertinence de l’analyse de Debatisse n’anticipait pas la misère à venir du nouvel exploitant agricole, s’échinant à standardiser son existence et sa production, jusqu’à devenir l’ombre et le fantôme de la consommation de masse.

Debatisse pensait que les paysans sauveraient leur liberté en gardant la main sur le marché. C’est ainsi que de nombreuses coopératives agricoles virent le jour, de Sodima à Soodial. Ce lien entre les agriculteurs et l’agro-industrie est…

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Auteur: Mathieu Yon Reporterre