Prendre la route. Une Philosophie de la conduite

De Matthew B. Crawford, nous connaissions déjà Éloge du carburateur. Essai sur le sens et la valeur du travail (2010, La Découverte) et Contact. Pourquoi nous avons perdu le monde et comment le retrouver (2016, même éditeur). Nous savions déjà que « l’auteur est philosophe et réparateur de motos », comme le disaient les quatrièmes de couverture de ces deux premiers opus. Celle du troisième indique plus précisément qu’il « enseigne à l’université de Virginie, tout en tenant un atelier de réparation de motos ». Ça fait tout de suite américain : prof de philo et mécano…

Et c’est aussi ce qui fait le charme de ses livres, composés de va-et-vient entre pratique théorique – une philosophie plutôt allègre et facile d’accès – et théorie de la pratique – plutôt orientée vers les différences entre travail manuel et travail intellectuel dans L’Éloge…, où il raconte (entre autres) comment et pourquoi il a abandonné un confortable salaire dans un think tank de Washington D. C. afin d’ouvrir son atelier de réparation de motos, puis vers une approche plus large des différences entre processus cognitifs selon qu’ils sont plus liés à la chair ou à l’esprit, dans Contact…

Je vais parler ici de son dernier opus, mais je tiens à souligner qu’il y a une vraie cohérence entre les trois. Je ne suis pas sûr de bien savoir comment la résumer (quelle prétention !), mais tant pis, je me lance : je dirai que sa thématique principale, qui trame ses compositions en basse continue, est ce qu’Isabelle Stengers (ou Vinciane Despret, ou les deux ensemble, dans Les Faiseuses d’histoires. Ce que les femmes font à la pensée, bah, je ne sais plus très bien…) décrit comme la différence, ou plutôt l’opposition entre les postures intellectuelles du thème et de la version. Le thème : je pars de quelque chose – un texte, une notion, un système, et je le traduis dans une autre langue, une autre pensée, un autre contexte, ou pour le dire plus simplement, peut-être, je pars d’une vérité théorique a priori que je plaque sur une réalité pratique. La version : je pars des « autres » cités ci-devant et tâche de les traduire en quelque chose de compréhensible par moi et mes interlocuteurs – ce que je pourrais décrire comme le processus de l’expérience, soit essayer de tirer un acquis théorique de données empiriques. Ouf ! vous feriez peut-être mieux de lire directement Crawford, je pense qu’il explique cela beaucoup mieux que moi.

Prendre la route parle plus

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Auteur: lundimatin