Prix de l'énergie : le coup de grâce pour la boulangerie artisanale ?

Saint-Florent-sur-Auzonnet (Gard), reportage

La sonnette tinte, et la porte s’ouvre sur le bonjour souriant de la boulangère, Mme Nicolas. Mais parlez d’énergie, et l’expression chaleureuse devient inquiétude. « Notre four fonctionne au fioul et à l’électricité. La facture de fioul est passée de 300 à 800 euros. Pour l’électricité, EDF doit nous envoyer un échéancier en janvier, je m’attends à payer le double », dit-elle. Dans cette petite boulangerie de la campagne gardoise, comme ailleurs, la commerçante voit l’avenir de sa boutique suspendu à la courbe du prix du kilowattheure.

« Si ça augmente trop, je ferme, on ne va pas s’endetter pour payer la facture d’électricité », avertit-elle, sous les protestations de sa clientèle. À Saint-Florent-sur-Auzonnet, la commerçante reconnaît chaque visage, a toujours un mot pour chacun. « Ils feront comment, les papys et les mamies qui n’ont pas de voiture ? » demande Pierre, derrière sa barbe blanche.

À ce changement des habitudes s’est ajoutée l’inflation. « Le beurre, c’est énorme ce qu’il a pris. Et ici les gens n’ont pas d’argent, je ne peux pas augmenter le croissant ou le pain à 1,20 euro », poursuit Fabienne Nicolas.

À l’autre bout de la France, depuis sa boulangerie parisienne bio L’Autre boulange, Denis Durand fait le même constat : « On en est à la deuxième augmentation sur la farine cette année, on va sans doute devoir proposer moins de sortes de pains et faire avec moins de personnel. » Sa boulangerie est l’une des rares dans Paris à être équipée d’un four à bois, mais même le prix du bois a augmenté, et « pour la pâtisserie, les batteurs, les pétrins, on utilise quand même beaucoup d’électricité », rappelle l’artisan bio.

La fin d’un modèle ?

Cette crise de l’énergie ne serait que le coup de grâce donné « à un modèle de boulangerie développé depuis 20 à 30 ans qui n’est pas tenable », estime Rémi Héluin, responsable de la rédaction du journal Le Monde des boulangers et des pâtissiers.

Il décrit une course à la croissance et à l’équipement : « On a poussé les boulangers à se diversifier, faire des gâteaux, de la restauration rapide, prendre plus de personnel, etc. Les marchands de matériel les ont encouragés à prendre de gros fours, des chambres froides… La taille et la consommation d’énergie des boulangeries ont beaucoup augmenté, certaines consomment autant qu’une petite industrie. »

Dans ce contexte, comment sauver la boulangerie artisanale ? Rémi Héluin invite à « repenser le modèle ». Mais dans la mesure où tous les artisans sont touchés, difficile de savoir quelle recette fonctionnerait. Dans notre vallée…

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Auteur: Marie Astier Reporterre