J’ai proposé à ma famille de sortir Odette, ma grand-mère, de sa résidence pour séniors en carton doré imprimé, afin de la remettre dans un logement, avec des jeunes, dont moi, dedans. J’observe à titre personnel mais aussi sur les gens que j’aime une descente considérable dans les qualités cognitives. J’arrive plus trop à réfléchir, je lis à peine, j’analyse peu, je déréalise. M’enfin il faut que je sois honnête (car cela m’est encore possible) sur les raisons qui m’ont poussée à leur faire part de mon idée.
Mon idée était de combiner plusieurs nécessités urgentes. Les besoins de Mamy qui ne meurt pas mais dont on ne sait pas quoi faire, les besoins de Karch, ma grande soeur, la première fille de mon père, les besoin d’Urbi, mon ami, jeune graphiste en quête de zen. Seulement voilà, pour être honnête, c’est aussi ma précarité que je voulais solutionner. Je voulais qu’il me reste quelque chose, que Mamy m’achète un logement, le mette à mon nom et me fournisse la sécu d’un lieu à moi. Gourmand, sans doute, me direz-vous, et vous aurez d’ailleurs raison.
J’ai désiré solutionner plusieurs paniques, plusieurs problèmes, plusieurs formes de précarité. J’ai voulu mélanger les fuites afin de faire tenir ensemble plusieurs îlots, plusieurs monades, plusieurs besoins de devenir agents. Je me suis sans doute cru dans un film, ou comme en train d’écrire un truc. Sur le papier ça sonnait bien. Influencée par mes lectures (quand j’en avais) j’ai voulu mettre les gens ensemble, en situation de fabriquer une sorte de métier à penser, à moins bader, afin de les faire participer, de leur mettre à disposition un espace non pas de liberté, mais de responsabilités. Donne de l’espace et des devoirs, je me suis dit. Sauf qu’en fait j’ai pris mes envies pour des réalités communes. J’ai cru qu’avec une bonne idée et de la détermination je pouvais tordre la réalité. Sauf que je n’en ai : pas les moyens.
Cette maison est la maison de mon enfance, mais n’est pas ma propriété. Cette famille est ma famille, mais ça n’est pas une assemblée ; cette Mamy est ma mamy, mais elle ne m’a pas mise au monde, elle a juste mis ma mère au monde, et ses moyens et ses besoins dont je voulais faire quelque chose ne sont pas miens, ils vont même au contraire des miens, d’ailleurs c’est vrai je suis contrariée, et force est de le constater.
D’une certaine façon mes amï-e-s, que j’associe sans consentement à des projets que j’appelle « communs »,…
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Auteur: lundimatin