Production de neige : le piège de la dépendance pour les stations de ski ?

Les polémiques se multiplient autour de la production de la « neige artificielle ». Rien qu’en 2022, plusieurs événements ont mis en lumière ce recours de plus en plus décrié à ce que l’on appelle également la « neige de culture ».

Citons par exemple les Jeux olympiques d’hiver de Pékin, assurés à 100 % grâce à la production de neige ; mais aussi la mobilisation organisée à la Clusaz pour contester la mise en place d’une retenue d’eau d’altitude, ou encore le stockage et le transport de neige pour les championnats du monde de biathlon au Grand-Bornand. Enfin, les effets de la grande douceur du début de la saison d’hiver 2022/23, conduisant à un enneigement très déficitaire.

Paysage de la station la Clusaz au mois de juin

Le plateau de Beauregard, en juin 2021. Situé près de la station de ski de la Clusaz, ce site a été choisi pour accueillir une retenue d’eau sur près de 4 hectares.
Philippe Desmazes/AFP

Pour produire de la neige, il faut des billes de glace d’un diamètre de quelques dixièmes de millimètres, en pulvérisant des micro-goutelettes d’eau qui se solidifient avant d’atteindre le sol. La consistance de cette neige s’approche de celle de la neige damée.

Les critiques à l’égard de cette production s’observent depuis le milieu des années 2000, bien que l’équipement des stations se soit développé dès la fin des années 1980. Dans un contexte de changement climatique, la pertinence de l’adaptation technique est questionnée alors même que l’industrie des sports d’hiver l’intègre de manière courante dans ses pratiques.

Dans un article scientifique récemment publié, nous avons décrypté les mécanismes de dépendance présents dans l’industrie des sports d’hiver vis-à-vis de cette production de neige. Voici les principaux enseignements de notre recherche.

Se libérer des « mauvais hivers »

Après des phases d’essai commencées en 1973, la production de neige s’est développée dans l’industrie française des sports d’hiver.

Un temps vantée comme argument commercial, cette technologie s’est progressivement imposée comme un outil courant pour améliorer les conditions d’exploitation des domaines skiables. L’installation est désormais systématiquement envisagée, notamment lors du renouvellement des remontées mécaniques.

Entre 2005 et 2016, la production de neige a absorbé 20 % de la capacité d’investissement des gestionnaires de domaines skiables, en faisant le second poste d’investissement derrière l’achat de nouvelles remontées mécaniques.

Aujourd’hui, cette production n’intéresse plus uniquement les exploitants de domaines skiables, mais bien l’ensemble des acteurs de l’industrie des sports d’hiver. Promoteurs immobiliers proposant des hébergements « skis aux pieds », tour-opérateurs sécurisant leurs ventes de forfaits, communes de montagne souhaitant un retour en ski au village, etc. Tous souhaitent que la production de neige contribue à la réussite de leurs projets.

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Malgré l’essor de cette technologie et les progrès techniques accomplis, l’affranchissement de la variabilité des conditions météorologiques reste toutefois limité.

En effet, l’adaptation technique que représente la production de neige ne libère pas les exploitants de certaines contraintes telles que le besoin de températures négatives et la nécessité de disposer de ressources en eau. Aujourd’hui, les effets du changement climatique réduisent l’épaisseur du manteau neigeux ainsi que les opportunités pour produire de la neige.

En limitant sa météo-dépendance, l’industrie des sports d’hiver a parallèlement accru sa dépendance à la production de neige.

Bien que les contraintes climatiques futures risquent de limiter l’efficacité de cette production, s’en détourner semble difficile pour l’industrie des sports d’hiver. Cette situation, souvent qualifiée de « fuite en avant »

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Auteur: Lucas Berard-Chenu, Docteur en Géographie, à l’Université Grenoble Alpes, Université Grenoble Alpes (UGA)