Promis à de brillantes carrières, des jeunes désertent pour « démanteler » le système

« Je ne me posais pas trop de questions. En école d’ingénieurs, quand tu veux agir pour le climat, tu bosses sur les énergies renouvelables, c’est la voie toute tracée. » Cette voie, Johanna l’a finalement quittée. Ou plutôt désertée. Alors élève de l’école Polytechnique, elle a fait le choix en 2019 d’abandonner sa thèse sur les énergies renouvelables.

« À Polytechnique, j’avais la tête dans le guidon. La désertion, c’est arrivé au Danemark. Là-bas, j’ai commencé à militer avec Extinction Rébellion contre un projet de gazoduc. Un soi-disant gaz de transition pour aller vers des énergies plus vertes. J’étais dans un pays se disant leader des renouvelables tout en faisant à fond de l’extraction de fossiles dans la mer du Nord. C’était tellement hypocrite. » Johanna s’engage ensuite en France en rejoignant des luttes contre des lignes THT et des projets d’éoliennes industrielles.

« Nous espérions détourner, réformer, humaniser nos industries, nos employeurs, nos postes. En vain »

En 2021, elle pose finalement son sac à dos à Lyon et initie le collectif des Désert’Heureuses. Sa rencontre quelques mois plus tard avec Lola Keraron, qui termine son cursus à AgroParisTech, contribue à forger l’appel à déserter lu le 30 avril 2022 par huit jeunes ingénieur·es à leur remise de diplômes, et qui sera visionné des millions de fois sur les réseaux sociaux.

« Je participais à une table ronde sur le thème : “Rester, résister, désherber ou déserter” », se remémore Lola Keraron, lors d’une journée sur la critique des sciences et techniques. « C’est la première fois que j’entendais ce mot, “déserter”, dans un autre domaine que militaire. J’ai eu là une vraie prise de conscience. Ça nous a décidés à nous rendre à notre remise de diplômes pour appeler à déserter des emplois destructeurs et à chercher d’autres voies. Je ne regrette pas au vu de l’ampleur. »

« On ne va pas changer les grandes entreprises de l’intérieur »

Dans les semaines qui suivent la prise de parole des jeunes agronomes, les appels se multiplient. Le 11 juin 2021 à Toulouse, les étudiants de l’École nationale supérieure agronomique (Ensat) se soulèvent contre l’idée qu’un ingénieur puisse « changer les choses de l’intérieur au sein d’une entreprise ultralibérale dont l’unique boussole est la recherche du profit » : « Nous voulons trouver du sens, être motivés par une cause juste et mettre nos nombreuses années d’enseignement…

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Auteur: Sophie Chapelle