Prophéties génétiques et politique

Peut-on critiquer le progrès scientifique tout en vivant arrimés à ses dispositifs ? Pour on refuser les avancées de la médecine, notamment génétique, quand on lui doit la vie ? Ce sont les questions (et le problème) que déplie ce texte brillant et touchant. Car il s’agit d’habiter cet écart toujours inconfortable entre le monde comme il va et la vie dont nous ne voulons plus.

Puis je me trouve de nouveau dans une salle de consultation d’hôpital. Avec moi, dans la pièce, la personne qui s’occupe d’organiser mon suivi médical, et le médecin qui m’a traité — et sauvé — il y a maintenant 32 ans. Ce jour-là, le médecin me demande mon consentement pour rejoindre une étude, qu’il m’explique : « Ton génome sera séquencé et ensuite comparé à celui d’autres personnes ayant des antécédents médicaux similaires aux tiens, afin que nous puissions identifier les régions de l’ADN associées aux différentes conséquences à long terme que vous rencontrez. Grâce à cela, nous pourrons travailler à une médecine génomique plus personnalisée ». Pour lui, une formalité : demander mon consentement parce qu’il est bien obligé, l’obtenir immédiatement et passer à l’étude. Pourtant, je refuse. Ce refus nous entraîne tous les deux dans des espaces inattendus, où nos façons de comprendre le monde cessent de se recouper. Soudain, la pièce se remplit d’affects, les miens et ceux du médecin, que l’on a tendance à refouler ou à ignorer dans ces pièces froides. Face à une figure de l’institution médicale, il peut y avoir de la timidité, de l’hésitation, voire de la soumission. Peut-être sommes-nous impressionnés et nous avons alors du mal à penser correctement, à être présents et attentifs. Ce n’est qu’en fermant la porte après le rendez-vous que nous nous rendons compte qu’on aurait aimé poser telle ou telle question, dire telle ou telle chose. Des fois, la colère, la tristesse ou la peur ne surgissent qu’à retardement. Les médecins peuvent être un peu froid.e.s, austères ou trop techniques, parfois condescendant.e.s ou autoritaires — nous les sentons frustré.e.s par nos questions ou nos doutes. Le plus souvent, tout cela est plutôt réprimé, peu visible. Ce jour-là, j’ai peur, je suis nerveux et j’ai le souffle court au moment de verbaliser et d’expliquer mon refus. Le médecin, lui, est dans l’ordre chronologique choqué, irrité, en colère puis condescendant et enfin résigné. Déplions le moment et la situation.

En 1989, une leucémie…

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Auteur: lundimatin