Propos barbares à l'attention des esprits analytiques

L’empire du savoir est certes résilient. Les esprits rationnels dépassent les erreurs, les calculateurs rendent volontiers compte de prédictions qui se seraient avérées délirantes. Des préconisations absurdes ? C’est que les chercheurs ont été manipulés. Des applications mortifères ? C’est que les hommes sont fous… Pourtant cette fois, la crise sanitaire a fait vaciller l’édifice. Les divergences ont fissuré certaines évidences, et montré que la connaissance devait muter. Aussi devrions-nous nous engouffrer dans la brèche – notamment pour éviter que le solutionnisme triomphe bientôt de nos aspirations, et attaquer la racine épistémique du problème écologique. Comment faire ? En remarquant d’abord que si la science fait taire les autres discours en situation d’urgence, c’est au nom du silence du monde. A partir de là, il semblera judicieux d’assumer le passage de la continuité silencieuse de l’expérience sensible à sa mise en discours. Bienvenu dans un texte peuplé d’esprits (scientifiques, analytiques, écologiques…), et qui voudrait montrer que l’existence (y compris savante) n’est pas réductible à ses conditions.

La science (d’Etat ?) peut finir par être mise en cause. C’est une des données résiduelles de la crise de la covid. L’épisode fut assez long pour que les populations en viennent à questionner les savoirs censés les guider, et que la recherche avait produit pour leur bien. Beaucoup de ceux qui s’étaient résolus à écouter « ceux qui savent » ont été pris d’un doute grandissant sur leur raisonnable docilité. Alors que celle-ci était prétendument décidée au nom du pragmatisme – non pas en vertu d’une idéologie indifférente à la réalité des faits établis, ils se sont souvent retrouvés à demander : comment se fait-il que je sois malade ? comment se fait-il que les relations sociales soient abimées ? comment se fait-il que les hôpitaux soient à ce point en souffrance ?

Certains ont bien sûr sauté sur l’occasion pour exprimer la pleine mesure de leur bêtise : si la science était dans l’erreur, c’était la faute d’idiots réfractaires au savoir. Il fallait les châtier, ils finiraient bien par se conformer aux vraies choses… Le problème, c’est qu’en réponse à cette fâcheuse conséquence morale de la prétention scientifique, d’autres en sont arrivés à laisser s’effondrer en eux une certaine approbation de l’effort fourni pour connaître et faire progresser la médecine. Le risque, ce serait donc que…

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Auteur: lundimatin