« Puissions-nous vivre longtemps » : un livre vibrant sur les pétroliers en Afrique

Ils n’en peuvent plus de mourir. Nous sommes au début des années 1980 et cela fait des décennies que Kosawa, un village imaginaire d’Afrique centrale, subit les conséquences mortifères d’une exploitation pétrolière implantée sur ses terres. L’eau de la rivière qui étanchait la soif tue désormais les nourrissons. Les terres qui garantissaient de belles récoltes n’offrent plus que des cultures rabougries et empoisonnées. L’air souillé encrasse les poumons et abrège les existences. Tout ce qui permettait de vivre est devenu un risque de mort. Même les plantes médicinales sont devenues toxiques.

Puissions-nous vivre longtemps, deuxième roman d’Imbolo Mbue, nous plonge dans la détresse de familles dévastées par la douleur et l’incompréhension. Elle met en scène des villageois un brin naïfs abusés par une entreprise étasunienne toute puissante et prête à tout pour quelques dollars de plus. Kosawa semble condamné à subir éternellement tant le rapport de force est déséquilibré, jusqu’à ce qu’un événement vienne ouvrir une brèche dans le cours de la normalité et de la logique ordinaire qui veut que les puissants le restent. Surprenant tout le monde, le fou du village redonne aux habitants confiance en leur puissance collective. Désormais, ils tiendront tête à la multinationale Pexton et à « Son Excellence », le despote local. Quoi qu’il en coûte. Ce récit fait écho à de nombreuses luttes africaines contre le colonialisme extractiviste, et notamment à celle de militants ougandais qui se battent contre la construction du plus grand oléoduc du monde par la multinationale TotalÉnergies.

Un livre qui contourne notre carapace

Ce livre est précieux car il nous oblige à sortir de la position d’observateurs extérieurs du désastre en cours. Il vient nous toucher malgré la carapace derrière laquelle nous nous réfugions pour encaisser les coups de boutoir d’une désespérante réalité. Cette carapace nous protège, peut-être, mais en nous insensibilisant, elle nous rend passifs. Car une compréhension froide, purement intellectuelle, de l’entrelacs de dominations qu’est le capitalisme ne suffit pas à mettre les corps en mouvement.

Puissions nous vivre longtemps ne nous aide donc pas à comprendre une situation que nous comprenons déjà bien assez : la violence du capital et du néocolonialisme. Il nous la fait ressentir.

En le lisant, j’ai pleuré avec ces familles enterrant leurs enfants rendus malades par la voracité du capital. Avec elles, j’ai affûté mes armes…

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Auteur: Reporterre