Q comme qomplot

Pour accompagner le lundisoir de cette semaine, nous publions ces bonnes feuilles de Q comme qomplot. Pour une présentation de l’ouvrage, c’est par ici.

Tout fantasme de complot, même le plus insensé, partait d’un noyau de vérité, et QAnon ne faisait pas exception. Le trafic d’enfants existait, les abus sur mineurs aussi, la politique était influencée par les lobbys et les puissances économiques, une grande partie de l’information mainstream servait les intérêts des partis et des patrons, certaines stars d’Hollywood étaient membres de cultes entourés de secret (la scientologie, par exemple), etc. Sur ces bases de vérité, QAnon élevait des cathédrales de balivernes. Et en avalant les balivernes, on s’éloignait de la vérité.
L’État profond était une description caricaturale des intérêts de classe qui influençaient et façonnaient l’action des gouvernements et de l’État. Dans son Republic of Lies, Anna Merlan présente le noyau de sens – un sens tout simplement évident – de cette expression : « [L’État profond] est ce lieu où les industries milliardaires et les agences gouvernementales qui devraient les réguler sont gérées par les mêmes personnes qui passent continuellement par la même porte tournante, […] ce lieu où les agences extrêmement secrètes comme la NSA opèrent en collaboration avec des compagnies de la Silicon Valley indifférentes aux préoccupations éthiques, […] ce lieu où le système électoral est tellement corrompu que la majorité des Américains désespère de pouvoir le récupérer jamais. »
Mais le conspirationnisme avait rendu l’expression inutilisable. Pour ceux qui croyaient en QAnon, l’État profond était beaucoup plus que cela – l’organigramme secret du complot universel – et en même temps beaucoup moins, parce que le capitalisme était bien plus grand et complexe que n’importe quel organigramme ou complot.

Le capitalisme n’était pas le fruit d’un complot, mais un effet à long terme, après de nombreux conflits, de la civilisation née avec la révolution agricole, avec la sédentarité des agglomérations humaines, avec l’éclosion des villes.
Le capitalisme avait pris une forme reconnaissable à partir du xvie siècle et avait évolué pendant un demi-millénaire, en cooptant les institutions précédentes – l’État, avec ses formes d’organisation et sa sphère juridique – et en transformant radicalement les institutions encore plus anciennes, comme la famille, donnant vie à une nouvelle formation économico-sociale….

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Auteur: lundimatin