Ce fait divers, monté en épingle par La Dépêche du Midi, met en scène un homme âgé qui a mis sa maison toulousaine en vente pour, dit-il, disposer de l’argent nécessaire à son hébergement en Ehpad, où se trouve déjà sa femme, qu’il désire rejoindre. Il n’habitait plus cette maison depuis au moins deux ans (eau, gaz et électricité étaient coupés), car il louait un appartement à Albi, près de l’Ehpad en question. Or, cette maison a été investie en septembre 2020 par quatre jeunes squatteurs. Saisi par le propriétaire pour les faire expulser, le tribunal d’instance a donné raison à ce dernier le 23 octobre, mais il a aussi décidé de reporter l’expulsion des squatteurs à la fin de la trêve hivernale, décalée cette année au 1er juin. Trois mois plus tard, ledit propriétaire décide de jouer la carte des médias. Et il s’adresse au journal dans lequel il a travaillé toute sa vie comme rotativiste : La Dépêche du Midi. C’est ainsi que le principal quotidien de la région Occitanie lance le fait divers sur lequel il reviendra abondamment par la suite.
Son premier article (7/02) donne le ton, dont La Dépêche ne se départira plus :
Dès ce premier article, face à une situation conflictuelle, La Dépêche épouse complètement le point de vue du propriétaire. Pas seulement en reprenant son seul récit et ses seuls arguments – la « partie adverse » pointant quant à elle de nombreuses contre-vérités – mais en suscitant chez les lecteurs des sentiments de sympathie à son égard : il est désigné par son prénom, « Roland », tout comme sa femme « Odile », et sa fille « Diane », comme on le fait de parents, d’amis ou de proches. Son grand âge, 88 ans, est souligné, signifiant son humaine vulnérabilité. Son histoire, d’une simplicité touchante, est évoquée à grands traits : il a travaillé toute sa vie et ne demande qu’à finir ses jours auprès de sa femme, dans un Ehpad. Même un cœur des plus secs serait ému par une telle « story ».
À l’opposé, dans le récit de La Dépêche, les squatteurs sont sans nom, sans âge (mais « des jeunes »), et sans histoire. On ne nous dit pas s’ils travaillent ou étudient. Ceux que le propriétaire appelle les « voyous » sont désignés en négatif par rapport à lui : ils ont « expulsé », « éjecté » Roland de sa maison (des tournures qui prennent quelques libertés avec les faits). De leur « story » n’émerge que leur crapulerie. De quoi émouvoir le public, certes, mais en sens inverse…
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Auteur: Jean Pérès Acrimed