Quand la maison brûle

L’essentiel crève les yeux. Comment contempler la vie nue, dévastée, strictement réduite à l’utile, sans permission de gratuité, avec toujours la peur de la mort en point de mire ? Peut-être en une vibration musicale, un accord strident qui soudain nous saisit, faisant voir dans un éclair de lucidité le monde tel qu’il est, défiguré, et ce qu’il nous reste, la magie d’une respiration. Rien de trop : là où poésie et philosophie chantent avec exactitude l’indomptable force de vie que le pouvoir en délire rêve en vain d’incarcérer. Parlant la langue morte de la philosophie poétique, Giorgio Agamben fait entendre une voix mêlée qui jaillit des cendres, l’antique dialogue d’une âme survivante qui puise à la plus profonde racine des larmes de sève. Que renaisse un souffle, échappé du bûcher…

Quand la maison brûle

Par Giorgio Agamben

« Tout ce que je fais n’a pas de sens si la maison brûle. » Pourtant alors même que la maison brûle il convient de continuer comme avant, faire tout avec soin et précision, peut-être encore plus studieusement – même si personne ne devait s’en apercevoir. Il se peut que la vie disparaisse de la terre, qu’aucune mémoire ne reste de ce qui a été fait, en bien et en mal. Mais toi, continue comme avant, il est tard pour changer, il n’y a plus de temps.

« Ce qui arrive autour de toi / n’est plus ton affaire. » Comme la géographie d’un pays que tu dois quitter pour toujours. Pourtant de quelle façon encore te regarde-t-il ? Juste maintenant que ce n’est plus ton affaire, que tout semble fini, toute chose et tout lieu apparaissent dans leur aspect le plus vrai, ils te touchent en quelque façon de plus près, tels qu’ils sont : splendeur et misère.

La philosophie, langue morte. « La langue des poètes est toujours une langue morte… curieux à se dire : langue morte qui s’emploie à donner plus de vie à la pensée. » Peut-être non une langue…

Auteur: lundimatin
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