Si les appels à la compassion traversent les âges, les dispositifs de communication par lesquels ils passent, eux, varient. Aujourd’hui ils mobilisent souvent des personnalités issues du sport, de la chanson, de la mode, du cinéma, de la littérature qui se présentent comme les porte-parole de « sans-voix », qui parlent « à leur place » et « en leur faveur ».
Chaque année le Téléthon a un « parrain » ou une marraine Mireille Mathieu, Yannick Noah, Garou, Soprano… ; l’appel à la compassion passe aussi par des chansons composées pour la circonstance et destinées à recueillir des fonds : aux U.S.A., la chanson « We are the World » (1985), pour les Africains victimes de la famine, a été interprétée par 45 artistes ; en France, « La chanson des Restos » (1986) a mobilisé des personnalités particulièrement médiatiques (Coluche, Michel Drucker, Yves Montand…).
Mais il n’est pas question ici de porte-parole au sens classique du terme. Ces médiateurs s’appuient en effet non sur un mandat donné par une organisation et sur des procédures bureaucratiques de nomination, mais sur des motivations d’ordre éthique, et souvent même sans que ceux en faveur de qui il parle le leur aient demandé. Leur position se révèle particulièrement délicate : ils doivent rendre audible et recevable la voix de ceux qu’ils défendent, mais non se substituer à elle.
Quand, pour mieux toucher le public, leur message mobilise des ressources esthétiques, cela ne va pas sans soulever des difficultés : peut-on produire des textes ayant une valeur artistique sans sortir du registre de l’appel à la compassion ?
Il ne peut être question de faire œuvre d’art véritable, de détourner au profit des artistes une parole qui se veut au service de ceux qui souffrent même si de fait c’est aussi un moyen de se rendre visibles, d’améliorer leur image, voire de faire leur propre promotion. Il faut donc trouver des…
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Auteur: Dominique Maingueneau, Professeur émérite de linguistique, Sorbonne Université