Quand la Russie, la Prusse et l’Autriche se partageaient la Pologne

Au moment où, dans le contexte de la guerre en Ukraine, les querelles mémorielles opposant de longue date Varsovie à Moscou sont exacerbées, il est utile de revenir sur un événement ancien, mais encore très vivace dans la mémoire collective polonaise : le troisième partage de la Pologne, intervenu le 24 octobre 1795.

Ce jour-là, la République des Deux Nations, qui réunissait, depuis le traité de Lublin de 1569, le royaume de Pologne et le grand-duché de Lituanie, est rayée de la carte. Ce n’est qu’à l’issue de la Première Guerre mondiale que les deux entités – Pologne et Lituanie – recouvreront, mais séparément, leur indépendance.

Un espace tampon multiculturel assujetti à sa noblesse

Au milieu du XVIIIe siècle, la fragilité et l’éventuelle disparition de la République des Deux Nations inquiètent les grandes cours européennes. À son apogée, son territoire couvre près d’un million de kilomètres carrés, surtout composé de vastes plaines et d’épaisses forêts. Il s’agit d’un espace tampon sans véritables frontières naturelles, situé entre trois puissances avides d’expansion : l’Autriche, la Prusse et la Russie.

Sa population, estimée à plus de 11 millions d’habitants, est disparate tant ethniquement que linguistiquement et religieusement : Polonais, Lituaniens, Ukrainiens, Biélorusses, Tatars, Juifs ; mais il faut encore compter une multiplicité de communautés grecques, arméniennes et germaniques. L’essentiel de la population est rurale et vit des activités agraires ; à l’exception de Varsovie, Cracovie et Lviv, les grands ensembles urbains sont rares.

Tableau montrant Varsovie au XVIIIᵉ siècle

Bernardo Bellotto, « Vue de Varsovie depuis la porte de Cracovie », vers 1778.
Bernardo Bellotto

La Pologne-Lituanie est fondamentalement aristocratique avec une soumission à la szlachta, la toute-puissante noblesse polonaise. Cette aristocratie capte toutes les richesses, les honneurs et les pouvoirs politiques en se référant à une idéologie sarmatique : la szlachta serait issue du peuple guerrier scythique des Sarmates, invaincu par l’Empire romain.

Cette idéologie nourrit un esprit belliciste défenseur de la gloire de vaillants ancêtres mythifiés. Elle se traduit par une arrogance à l’endroit des étrangers et de mépris à l’égard des paysans et généralement de tous ceux vivant de leur travail.

Une…

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Auteur: Bernard Herencia, Maître de conférences, chercheur en histoire de la pensée économique, Université Gustave Eiffel