Quand l’alimentation des abeilles sauvages raconte les modifications de leur environnement

Elles sont plus de 20 000 espèces à l’échelle de notre planète, 2000 en Europe… Pourtant, les abeilles sauvages sont en danger. Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), bon nombre sont menacées, en déclin ou en passe de décliner. Mais l’ampleur réelle du phénomène reste méconnue car, paradoxalement, le statut de conservation de certaines espèces n’est pas renseigné du fait de données manquantes sur leur distribution et abondance : impossible alors de savoir ce qu’il en est. Même en Europe, où les recherches et les suivis sont considérables, cela concerne près de 57 % des espèces.

Malgré un intérêt grandissant de l’opinion publique, des politiques et des scientifiques et la multiplication des initiatives de conservation, une part non négligeable d’espèces d’abeilles sauvages continuent de décliner. En cause, de nombreuses menaces telle l’intensification des pratiques agricoles avec utilisation de pesticides et simplification des assolements (dégradation de la biodiversité florale), les changements climatiques ainsi que l’introduction d’espèces invasives.

Une étude menée dans six régions du monde (Afrique, Asie pacifique, Australie/Nouvelle-Zélande, Europe, Amérique latine et Amérique du Nord) a montré qu’occupation et utilisation des sols sont à chaque fois les principales responsables des difficultés des pollinisateurs. En effet, les modifications du cortège floristique qu’elles entraînent peuvent représenter un stress nutritionnel pour les abeilles se nourrissant du pollen, principale source de protéines et lipides, et du nectar, principale source de sucres. La modification de la disponibilité en matériaux végétaux pour la nidification est une autre source de stress.

Comprendre l’impact des pratiques d’utilisation du sol sur les abeilles sauvages s’avère capital pour éclairer et orienter les stratégies de protection et de conservation de leurs populations. Et pour suivre cet impact, nous avons développé une approche innovante basée sur l’alimentation de ces pollinisateurs.

Une méconnaissance préjudiciable de cette diversité sauvage

Une abeille du genre andrène

Les abeilles Andrènes comptent plus de 1 300 espèces, ce qui en fait un des plus grands groupes d’abeilles sauvages. Leur diversité les rend difficiles à identifier.
Entomart, CC BY

Premier élément à prendre en compte : le manque de connaissances, d’éducation et d’attention envers les abeilles sauvages. L’abeille domestique (l’abeille à miel de l’apiculture) est en effet bien plus facilement identifiée comme « abeille » que d’autres genres ou espèces sauvages comme les osmies (famille des Megachilidae) ou les andrènes – qui sont ainsi moins préservés.

Les abeilles sauvages sont aussi nombreuses que diverses en termes de morphologies, comportements de nidification et d’approvisionnement. Pour extraire le nectar en profondeur des fleurs, certaines ont des langues courtes, d’autres longues. La collecte du pollen peut se faire par des structures spécialisées comme la scopa chez les osmies ou non comme chez les abeilles masquées (famille des Colletidae) – qui le transportent en l’avalant puis en le régurgitant de retour au nid.

Concernant le nid lui-même, là encore il y a de grandes différences… mais il ressemble rarement à la fameuse ruche des abeilles « classiques ». Dans la famille des Andrenidae, on creuse la terre pour s’y installer, chez les Xylocopa c’est le bois de tiges ou de troncs. Le genre Sphecodes ne prend pas cette peine et, tel un « coucou », s’introduit plutôt dans les nids de ses cousines du genre Lasioglossum pour y pondre ses œufs.

[Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. Abonnez-vous aujourd’hui]

Des études trop souvent limitées

Pour les spécialistes aussi, parfois les données manquent. Nous l’avons dit, pour de nombreuses espèces, impossible de connaître avec précision leur statut (en danger ou non). Une raison est que souvent elles ne sont pas suivies sur des échelles spatio-temporelles suffisamment étendues.

Une étude a prouvé que pour représenter fidèlement les changements dans ces populations, le plus efficace (et le plus fiable) était d’analyser entre 75 et 145 sites sur…

La suite est à lire sur: theconversation.com
Auteur: Clémentine Leroy, Doctorante en écophysiologie, Inrae