Quand les marques de l’agroalimentaire s’invitent dans les écoles

Si, dès la fin du XIXe siècle, toute forme de communication marchande a été exclue du périmètre des écoles françaises, certaines pratiques de marketing scolaire se sont multipliées au fil du XXe siècle, jusqu’à être légalisées au début du XXIe siècle.

Le Bulletin officiel de l’Éducation nationale du 5 avril 2001 a en effet établi un Code de bonnes conduites des interventions des entreprises en milieu scolaire, constatant que « les établissements scolaires du second degré, mais aussi du premier degré, nouent de plus en plus fréquemment des contacts et des échanges avec leur environnement économique, culturel et social ».



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Les campagnes publicitaires dans les établissements scolaires sont aujourd’hui toujours interdites. Néanmoins, le texte ministériel autorise certaines formes de collaboration entre les entreprises et les écoles à condition qu’elles soient au service d’objectifs pédagogiques. Elles doivent :

« soit s’inscrire dans le cadre des programmes scolaires soit être liées à l’éducation (culture, civisme, santé…), soit favoriser un apport technique (notamment pour la réalisation de produits multimédias), soit enfin correspondre à une action spécifique (commémoration, action locale) ».

Sous ces conditions, les « partenariats » avec les entreprises – c’est-à-dire les actions « mises en œuvre sous la forme de soutien, de parrainage, d’actions de sensibilisation, de promotion, d’aides diverses ou de fourniture de “kits” pédagogiques » – sont donc admis.

Cependant, si les entreprises utilisent ce biais pour valoriser leur image, les enseignants et les élèves ne peuvent-ils pas aussi prendre appui sur ces kits sponsorisés pour déconstruire et comprendre les logiques marchandes sous-jacentes ?

Des supports attractifs

Prêts à l’emploi, gratuits et facilement accessibles, les kits pédagogiques réalisés pour le compte de marques et filières de l’agroalimentaire affichent comme objectif d’éduquer à l’alimentation et à la nutrition à travers des matériaux variés : diaporamas, jeux, livrets, coloriages, fiches…

Le recours à ces outils a été favorisé, au cours des dernières décennies, par l’introduction des « éducations à ». Celles-ci attribuent aux écoles non seulement l’enseignement de contenus disciplinaires traditionnels (mathématiques, anglais, histoire…), mais aussi la transmission de connaissances et compétences transversales nécessaires à des attitudes responsables et réflexives concernant, entre autres, le développement durable, la santé, les arts ou encore l’alimentation.



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La prolifération de kits pédagogiques sponsorisés par des acteurs économiques se produit donc dans un contexte où l’école est poussée à s’ouvrir davantage au monde qui l’entoure.

Ces kits misent sur des activités divertissantes : dessins animés, lecture d’un conte, devinettes, puzzles, jeux de société… Parallèlement, dans leur présentation, des discours d’autorité tentent de rassurer les adultes, parents et enseignants sur la fiabilité des savoirs disséminés, en faisant référence à des acquis scientifiques ou à l’avis d’experts en nutrition ou aux programmes ministériels.

Pyramide alimentaire.
Serge Rumeaux, via Wikimedia, CC BY-SA

Par ailleurs, certains kits mettent en avant la légitimation d’instances gouvernementales par l’apposition de labels ou de logos publics. Ainsi, le discours des marques et des filières de l’agroalimentaire semble gommer controverses et désaccords autour de l’alimentation des enfants et de la publicité alimentaire et harmoniser les intérêts des différents acteurs impliqués.

Rappelons en particulier que la mise en place de mesures contraignantes en matière de publicité alimentaire a fait l’objet d’une longue controverse entre l’Association nationale des industries agroalimentaires (Ania), le ministère de la Santé, le ministère de la Culture et de la Communication, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), les professionnels des chaînes de télévision, les agences de publicité,…

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Auteur: Simona De Iulio, Professeure des universités en sciences de l’information, I-site Université Lille Nord Europe (ULNE)