Quand les tueurs d’enfants n’intéressaient personne

La découverte macabre du corps de Lola à Paris, a ravivé les débats sur les meurtres d’enfants, donnant lieu à une forte instrumentalisation politique et à une préoccupation sociétale majeure.

Pourtant, pendant longtemps, la mort d’enfants ou d’adolescents n’a guère suscité l’intérêt des chroniqueurs judiciaires et, par rebond, de l’opinion publique. Dans le Code pénal de 1810 l’infanticide est défini comme « le meurtre d’un enfant nouveau-né » et le législateur napoléonien est resté silencieux sur les homicides des enfants plus âgés.

De temps à autre, des enfants tués par leurs parents font irruption, en à peine quelques lignes, dans les colonnes des périodiques. Le lectorat découvre, effaré, d’abominables maltraitances, mais vite oubliées.

La lente construction de l’enfant comme personne à part

Abandonné, éborgné, éventré, brûlé, voire violé, l’enfant, en dehors de quelques affaires, reste sans protection face à la puissance paternelle jusqu’à la loi du 24 juillet 1889 qui invente la « déchéance paternelle » qui ne fit pas l’unanimité car des voix diverses y virent l’intrusion inacceptable de l’État dans les familles, bousculant les frontières du cercle privée et de la sphère publique.

Mais le sort des enfants brutalisés par un père, une mère, un oncle, un tuteur n’est plus indifférent. Une vaste enquête (dont les archives sont conservées aux Archives nationales, AN BB-18-1871) conduite dans les différents ressorts des cours d’appel en prend la mesure. En 1898, une nouvelle loi sur la répression des violences, voies de fait, actes de cruauté et attentats commis envers les enfants est adoptée et sanctionne pour la première fois les auteurs de coups, blessures et autres sévices contre des « enfants au-dessous de l’âge de quinze ans ».

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Malgré ses limites, la loi du 19 avril 1898 témoigne à sa manière d’un changement de sensibilité. L’enfant est une personne à part entière. Auparavant, le crime le plus horrible qui pouvait être commis était le parricide, placé au sommet de la hiérarchie pénale. Pour bien marquer qu’il s’agissait d’un crime exceptionnel, le législateur avait pris des dispositions particulières.

Exécution d’Henri Désiré Landru, « tueur en série », en 1921. Huile sur toile. Anonyme

Exécution d’Henri Désiré Landru, « tueur en série », en 1921. Huile sur toile. Anonyme.
Mucem/Wikimedia

Ayant commis un acte sans excuse pour lequel « aucune circonstance atténuante ne saurait être retenue », l’auteur du crime était recouvert d’un voile noir, et, nu-pieds, était conduit sur le lieu de l’exécution. Un huissier lisait l’arrêt de condamnation, avant que le bourreau lui glisse la tête dans la lunette de la guillotine. Jusqu’en 1832, on lui tranchait le poignet droit. Pour les tueurs d’enfants, aucune mise en scène similaire n’était prévue.

L’archéologie des tueurs d’enfants

À la fin du XIXe siècle, les sentiments à l’égard de l’enfance martyrisée ne sont donc pas restés identiques mais en dehors des parents maltraitants, de nouvelles figures émergent : celles des tueurs d’enfants, sans liens de parenté avec les victimes.

Quelques cas abominables avaient défrayé la chronique en 1825. La Gazette des tribunaux, périodique judiciaire, avait relaté des crimes incroyables commis contre de petites victimes : l’une portait autour du cou les marques de la strangulation, une autre avait eu le cœur arraché, une troisième avait été décapitée et sa tête jetée par la fenêtre. Les contemporains s’étaient interrogés sur la sanité d’esprits des auteurs. Étaient-ils fous ?

En vertu de l’article 64 du code pénal s’ils étaient reconnus irresponsables, ils ne pouvaient pas être jugés et donc encore moins condamnés. Un procureur trancha la question en affirmant qu’il n’y a pas d’inconvénient guillotiner l’auteur d’un crime monstrueux, même s’il est atteint de « monomanie criminelle ».

Ces crimes toutefois, en dehors de quelques spécialistes et aliénistes, ne restent pas dans les mémoires, mais à partir des années 1880 deux affaires, médiatisées, ébranlent la société tout entière. Elles suscitent interrogations et…

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Auteur: Frédéric Chauvaud, Professeur d’Histoire contemporaine, Université de Poitiers