Quand tombe le masque. — Emmanuel DU MORNE

Quand tombe le masque.

Que serait l’histoire, si l’aventure humaine demeurait un exposé des derniers arrivés sur la scène des civilisations ? Le monde perdrait de belles pages de son parcours. La culture actuelle, benjamine de la série, ambitionnerait d’obscurcir ses aînées. Survenue dans le sang et sous les décombres d’un monde surpris, les soubresauts de ses victimes teintèrent longtemps le sol. Dans la Caraïbe, sa victoire semble si évidente que ses dépositaires avancent comme un pachyderme dans un champ de porcelaine. Le dix-sept décembre deux mille un, le patriarche de la caste dominante invite le plus illustre des Martiniquais, selon ses dires, à planter l’arbre de la fraternité. Germée quelques siècles plus tôt cette concorde aurait évité des rivières de sang et des montagnes de cadavres. Ceci dit, dans cette île caribéenne qui se cherche, quel dessein se dissimule sous cette démarche insolite ? Quel mobile poussa le leader nationaliste à accepter l’invitation ? Doit-on nourrir des inquiétudes au sujet de l’auteur du discours sur le colonialisme au crépuscule de sa vie ? Dans ce décor stressant aux airs de négation du passé qui sera le dindon de la farce ?

Quelles sont les motivations réelles de cette mise en scène aux allures macabres ? En effet, du coté de l’habitation, on semble préparer un enterrement. Si Pandore céda à la curiosité en ouvrant la jarre en dépit de l’interdiction de Zeus, le colon arriva démuni et sans boite. L’aventurier trouva la poule aux œufs d’or dans cette terre promise à sa civilisation. Rhum, sucre, café, cacao, indigo et autres créèrent des richesses inépuisables à travers les siècles et le sang des damnés de la terre gava la divinité bienfaitrice. Une fortune réalisée sans frais, cela se protège et se transmet aux générations à venir. Le but de l’action se profile, la préservation du patrimoine, la volonté de faire perdurer à tout jamais une entreprise lucrative dans une Martinique à la mine de belle époque infinie. Cependant, le tonnerre gronde de temps à autre et pourrait grossir des torrents inattendus. Mais l’histoire vient à la rescousse du forban en clignotant sur le coup de l’abolition. Un tour de passe-passe qui permit de retrouver son personnel et de ramasser une formidable plus-value. En transformant la colonie en pseudo-département français d’outremer, le boucanier moderne acquiert d’autres perspectives grâce à l’import-export et élargit son appareil productif. Le loup, sous des airs de berger,…

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Auteur: Emmanuel DU MORNE Le grand soir