Que peut une anthropologie métaphysique ?

Un an et demi après avoir abordé la sécularisation, l’islamophobie et l’écologie dans Des Empires sous la Terre, le philosophe Mohamed Meziane développe dans Au bord des mondes les pistes, à la fois sensibles et heuristiques que pourrait ouvrir une anthropologie métaphysique : « il ne suffit pas d’attribuer une âme aux plantes et aux animaux pour soigner les ravages de l’extractivisme. Encore faut-il élargir le spectre des non-humains au delà du visible. » Le livre dresse une critique féconde, depuis la philosophie, des approches, méthodes et impensés de l’anthropologie – face à la catastrophe écologique et la nécessité certaine d’habiter autrement le monde, les idées et démarches des chercheurs du tournant ontologique apparaissent insuffisantes. Mohamed Amer Meziane propose un tout autre cadre d’analyse, qui prend pour point de départ les mythes, les traditions, les rêves. Nous publions donc ce lundi quelques pages d’un travail précis et important, qui nous invite à prendre le réel par ses marges. Une interview avec l’auteur sera publiée la semaine prochaine.

La part métaphysique d’une lutte indigène

Depuis que les intellectuels du Sud global ont décidé d’écrire leur propre histoire, une question proprement philosophique s’est posée au cœur des sciences humaines : celle des limites du réel. Certaines dimensions de l’expérience échappent à l’archive coloniale, à la sphère de la réalité telle qu’elle est circonscrite et limitée par le modèle dominant de la rationalité techno-scientifique à ce qui est visible ou objectivable. Tant que l’on n’affronte pas la dimension métaphysique de cette question, tant qu’elle n’engendre pas un trouble assez profond pour provoquer un réel décentrement, la décolonisation du savoir ne demeurera qu’une idée vague, seulement propice à sauver le type de pouvoir qu’elle prétend dissoudre en le…

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Auteur: dev