Que peuvent les mots

Ce matin

je remonte le mince filet d’eau des ruisseaux évaporés –

les nappes phréatiques émaciées par le pompage

s’effondrent sur elles-mêmes –

paysages à sec dans le maïs resplendissant.

Partout l’arc de possession change l’arbre en poussière.

Cloisonnements à la chaîne – l’air suffoque.

Ce matin – l’aube muette criblée d’oiseaux morts.

Mes sensations s’accrochent : archives brûlées

et conservées dans la mémoire.

Je sais ce que j’ai vu – l’âme grandit par l’œil !

Tant pis si l’écrit n’est pas comme rêvé – il ne peut pas l’être.

Surtout, ne me parlez pas de chiffres ni de pourcentages à l’appui.

Les charniers sont des chairs à vif.

Ce matin

j’invoque un débordement monstre pour échapper

au rangement des corps et des âmes,

pour interrompre l’ascendance du pouvoir.

Je dis qu’être une femme

c’est vivre des moments volés.

Bâtarde dans un hangar qui prend froid,

je revendique les aléas qui m’ont faite.

Don d’ubiquité surdéveloppé

pour ne pas en rester là. Pour ne pas me conformer

aux plans d’urbanisme avec

répartition des rôles domestiques, attributions de points

et piscines décoratives chlorées en fin de carrière.

Mes désirs n’ont pas besoin de parures pour exister.

Mon combat s’entête : désobéir aux machines !

Pas de rentabilité. Aucune performance.

Seulement la fragilité : vote incendiaire,

vérité à rebrousse-poil, fleur fauchée

retrouvée dans les mots.

Et maintenant, je demande

que peuvent les mots ?

Illustration : Bernard Chevalier

La suite est à lire sur: lundi.am
Auteur: lundimatin