Que sait-on des conséquences psychologiques de la corrida sur les enfants ?

Le débat sur la corrida est en passe d’être rouvert à l’Assemblée nationale : le 24 novembre, les députés doivent examiner un texte visant l’interdiction de cette pratique, porté par le député Nupes Aymeric Caron.

L’article 521-1 du Code pénal interdit déjà les corridas (ainsi que les sévices aux animaux et les mises à mort d’animaux domestiques). Cependant, une exception existe pour douze départements du sud de la France dans lesquels la tauromachie est autorisée au titre de la « tradition ininterrompue ».

Dans un arrêt du 3 avril 2000, la Cour d’appel de Toulouse avait notamment précisé « qu’il ne saurait être contesté que dans le midi de la France entre le pays d’Arles et le Pays basque, entre garrigue et méditerranée, entre Pyrénées et Garonne, en Provence, Languedoc, Catalogne, Gascogne, Landes et Pays basque existe une forte tradition taurine qui se manifeste par l’organisation de spectacles complets de corridas de manière régulière (…) ».

Dans ce contexte, une question a été peu abordée jusqu’à présent : qu’en est-il des conséquences psychologiques de la corrida sur les enfants qui en sont les témoins, certains parfois extrêmement jeunes ?

Si l’on peut regretter que des données spécifiques sur le sujet manquent cruellement, ce que l’on sait de la perception qu’ont les enfants des animaux et de la violence peut néanmoins apporter des éléments de réponse.

Choqués par la violence et le sang

Selon les anthropologues, ne pas blesser des êtres vivants sans nécessité est un fondement moral que les cultures humaines cherchent partout à promouvoir. Or, les pratiques tauromachiques correspondent exactement à des « sévices graves ou actes de cruauté commis envers les animaux » condamnés par l’article 521 du Code pénal de 30 000 euros d’amende et deux années d’emprisonnement, sauf s’ils sont perpétrés dans l’un des départements français bénéficiant d’un statut dérogatoire.

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Lorsque des enfants en sont témoins, les conséquences sur eux sont vraisemblablement plus préjudiciables que pour des adultes, et ce pour deux raisons. Tout d’abord, les scènes violentes inspirent plus de détresse chez les plus jeunes enfants. De plus, les effets à long terme de ce type de scènes sont plus marquants chez les enfants.

En outre, la vue du sang est quelque chose qui bouleverse vraiment les plus jeunes, que l’on se base sur les observations de leurs parents
ou selon les intéressés eux-mêmes.

Les enfants sont plus attachés aux animaux que les adultes

La deuxième raison d’une plus grande vulnérabilité potentielle des enfants face à la corrida est moins connue. Elle tient au fait que ces derniers sont plus attachés que les adultes au sort des animaux. Des études menées par des chercheurs de l’université Yale auprès de 5-9 ans montrent que lorsqu’une vie canine et humaine sont en balance, 35 % des enfants donnent la priorité à l’humain, 28 % au chien et les autres n’arrivent pas à prendre de décision. Les adultes tergiversent beaucoup moins : 85 % choisissent l’humain.

Puisque les enfants sont affectivement plus proches des animaux que les adultes, les enrôler comme spectateurs dans le rituel d’exécution d’un taureau (voire comme futurs matadors) les affecte probablement davantage. Si on propose à des adultes qu’un chien se fasse transpercer à la place du taureau dans l’arène, ils trouvent cela insoutenable et refusent de participer. Or, dans la tête d’un enfant, vaches et chiens sont bien plus proches que dans la nôtre. Sans compter qu’il arrive que les chevaux (animaux auxquels nous sommes très attachés) soient également blessés ou tués.

La confortable frontière morale que nous traçons entre les animaux qui vont sur nos genoux ou dans nos estomacs résulte de représentations culturelles qui ne sont pas encore fixées chez les plus jeunes.

Bien que les données disponibles sur l’effet des spectacles tauromachiques sur les plus jeunes, trop rares, méritent d’être étoffées, elles laissent déjà entrevoir que certains enfants qui assistent aux corridas en sont affectés.

Après une scène de corrida, plus d’agression et d’anxiété

Des chercheurs espagnols et…

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Auteur: Laurent Bègue-Shankland, Addictologue, Professeur de psychologie sociale, membre de l’Institut universitaire de France (IUF), directeur de la MSH Alpes (CNRS/UGA), Université Grenoble Alpes (UGA)