Quel est cet instant ?

Lorsque la nature sociale de l’homme a été une fois dérangée et contrainte de se jeter dans l’individualisme, elle en vient à être si profondément bouleversée qu’elle use à présent son énergie sur cette séparation d’avec autrui et s’entête jusqu’à la folie dans l’affirmation de sa particularité ; car la folie n’est rien d’autre que la séparation achevée de l’individu par rapport à son espèce…
GWF Hegel

Près d’un an maintenant, peut-être moins, peut-être plus, mais qui compte encore, que j’écris, ou du moins que je commence plus d’un texte, griffonné ou tapé, dépassant à peine une page, la plupart mis de côté, pour ne pas dire à la poubelle, m’évertuant de les éliminer au plus vite, définitivement, des fois que l’envie de récupérer ces quelques bribes me prenne. À quoi bon encore ? Je suppose que plus d’un d’entre nous se surprend de murmurer à part soi ces mêmes mots. Plus d’une fois par jour, à toute heure, d’autant plus quand on s’apprête d’entreprendre quoi que ce soit, de quelque ordre. À quoi bon encore ? Ce n’est pas tant que le doute se soit instauré à un point culminant tel qu’il m’est désormais impossible d’aller jusqu’au bout, le doute a toujours été pleinement partie constituante, compagnon de vie, de toute action, de toute réflexion, de toutes les transitions, furent-elles enivrantes ; ce n’est pas tant non plus que l’élan, le ressort, se soit définitivement ou quasi définitivement brisé, ou encore que les départs autour de moi, de nous tous, se démultiplient – et sans ce virus persistant, cloisonnant encore plus cet atterrant monde, Beyrouth, le pays entier, se serait considérablement dépeuplé. Peut-être est-ce tout cela à la fois, peut-être rien de tout cela, qu’il ne sert à rien de vouloir à tout prix mettre des mots là où ils n’ont eu de cesse d’échouer, tant ils n’ont plus de portée, plus la moindre résonnance. Ni nous-mêmes, ni nos amis, encore moins nos adversaires, ne les recevons encore ; nous autres plus qu’absorbés par les tâches élémentaires de notre quotidien plus médiocre que jamais, englués pour tout dire, et nos si ruineux adversaires qui n’en finissent plus de s’agripper, de rebondir, de s’affronter, de se neutraliser et de se rabibocher, tout à la fois, oui, tout à la fois, sans cesse réinventant et sans cesse défaisant les principes d’Archimède et d’Euclide, toujours nous méprisant bien entendu, éperdument. Même l’horizon n’est plus ce mot qui ouvre, qui fascine ou qui effraie, l’œil ne s’y égare plus. Images répertoriées…

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Auteur: lundimatin