Quel niveau d’information faut-il révéler pour convaincre un décideur ?

Dans un contexte où l’entreprise est tenue d’être honnête envers un décideur responsable de son avenir mais fait face à des concurrents sur son marché, quel degré d’information faut-il révéler ? Faut-il tout partager par souci de transparence ?

Supposons qu’une instance gouvernementale doive décider si elle autorise ou non un médicament sur le marché. Dans ce contexte d’incertitude où plusieurs entreprises sont en concurrence, la décision se basera sur le niveau d’information communiquée par l’industrie pharmaceutique, qui ne sait pas exactement ce qu’elle doit révéler.

Dans certains cas, il n’est en effet pas optimal de tout divulguer, car certains défauts peuvent devenir apparents. Mais une entreprise n’a pas pour autant le droit de mentir. Quel niveau d’information un laboratoire pharmaceutique théorique devrait-il alors communiquer aux autorités pour les convaincre ?

Trouver le juste niveau

Notre étude est basée sur un modèle probabiliste de persuasion (ou « design informationnel ») dans une situation incertaine. Il offre plusieurs options : ne révéler aucune information, révéler des informations partielles, ou révéler une abondance d’informations. Comme notre modèle intègre aussi les concurrents, l’entreprise doit également trouver le juste niveau d’information pour convaincre le décideur que son médicament est le meilleur choix.

En d’autres termes, chaque entreprise (ou « designer informationnel ») cherche à convaincre, par exemple l’Agence nationale de sécurité du médicament (le décideur ou « agent »), que son produit est efficace et qu’il est préférable que les produits de ses concurrents ne soient pas approuvés. Dans d’autres cas, des départements d’une organisation ou d’une université peuvent vouloir convaincre les dirigeants de l’organisation d’ouvrir un poste dans leur département. Dans tous ces exemples, les parties concernées tentent de présenter l’information de manière à orienter le comportement des décideurs. Notre étude offre un cadre théorique général pour analyser ce type de situation.

Induire des croyances

Nous avons étudié les situations où il existe plusieurs designers informationnels (plusieurs concurrents) et plusieurs décideurs. Dans le cas général, les designers informationnels peuvent faire passer des messages à la fois publics et privés. À chaque message ou communication, les décideurs modifient et ajustent leurs croyances et leur jugement en fonction de la sélection d’information qu’ils reçoivent. Le designer informationnel espère donc induire des croyances qui joueront en sa faveur plutôt qu’à ses concurrents.

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Le principal défi est alors de saisir l’équilibre entre les stratégies de divulgation de l’information et les choix des décideurs. Un décideur peut souvent agir en faveur de l’un ou l’autre des designers informationnels. Ceci est d’autant plus saillant lorsque le décideur hésite entre plusieurs choix. Dans ce cas, la moindre information communiquée par un des concurrents peut faire pencher la balance. L’équilibre décisionnel apparaît alors lorsque les décideurs parviennent à arbitrer entre les intérêts de plusieurs designers informationnels.

Un nombre de messages à limiter

Dans un autre modèle, chaque designer informationnel envoie uniquement des messages publics à l’ensemble des agents. Dans ce cas, nous discutons du nombre de messages (ou essais cliniques, dans notre exemple) à envoyer au décideur.

En nous basant sur ce modèle, nous avons trouvé un point d’équilibre, autrement dit le bon niveau d’information à partager, lorsque l’émetteur d’informations envoie un nombre limité de messages au décideur (ou effectue un nombre limité d’essais cliniques). En d’autres termes, si théoriquement le fait d’utiliser un nombre infini de messages (ou d’essais cliniques) permet d’être totalement transparent, il n’existe aucun avantage à le faire.

Ce résultat simplifie de manière majeure le problème consistant à trouver le volume d’information optimal à divulguer. Comme le modèle n’impose pas de limites a priori sur le nombre de messages : il serait donc théoriquement possible qu’en accumulant les…

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Auteur: Frédéric Koessler, Directeur de recherche au CNRS, professeur au département d’économie et sciences de la décision, HEC Paris Business School