Depuis l’arrivée au pouvoir de Narendra Modi en 2014, la présence même de la communauté musulmane sur le territoire de l’Inde est devenue insupportable aux adeptes de l’Hindutva (« hindouité »), idéologie qui sous-tend l’action politique de la formation de Modi, le Bharatiya Janata Party (BJP). Par divers moyens, ceux-ci s’attaquent à son patrimoine, la marginalisent et provoquent des actes de violence à son encontre.
La très probable réélection de Modi à l’issue des législatives actuellement en cours va-t-elle généraliser cette politique, que l’on peut qualifier de « communalisme » (pour reprendre l’expression de Louis Dumont, à l’échelle nationale et à toutes les minorités ? La situation est grave, car c’est l’Inde séculariste qui est en jeu.
Rapide aperçu de la communauté musulmane indienne
La communauté musulmane est la minorité la plus ancienne et la plus importante au monde (209 millions de personnes, 14,4 % de la population). Elle est hétérogène, traversée de diverses divisions liées à l’islam (sectes et écoles de jurisprudence), mais surtout à l’histoire de cette religion dans le sous-continent indien, qui a donné naissance à des communautés éparses, partageant les langues et cultures locales. Ainsi, un musulman d’Uttar Pradesh (U.P., nord du pays) a plus en commun avec un hindou de son État qu’avec un musulman du Kerala ou du Tamil Nadu (sud). Enfin, les différences sont sociales, puisque les musulmans ont élaboré leur propre système de hiérarchisation, sur le modèle hindou des castes : les intérêts divergents des basses et des hautes castes musulmanes sont donc un autre facteur d’hétérogénéité.
Ces deux derniers siècles, les musulmans sont passés du statut de souverains (sultanat de Delhi, empire moghol) et d’acteurs éminents dans l’élaboration des cultures et sociétés indiennes – au point que leur héritage imprègne tous les aspects de…
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Auteur: Delphine Ortis, Anthropologue, spécialiste de l’islam en Asie du Sud, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)