Paul Klee. — « Vorhaben » (Intention), 1938
La campagne pour l’élection présidentielle d’avril 2022 s’est explicitement ouverte dès septembre 2021. Une nouvelle fois, le rythme de publication des sondages s’est emballé. Dans un premier temps, ils ont accaparé le processus de sélection des candidats en faisant office de primaires médiatiques, à côté ou en concurrence avec les primaires partisanes ou les procédures internes aux partis. Dans un deuxième temps, ils vont accompagner la course des candidats à la présidence en livrant des scores intermédiaires. Les protagonistes de ce spectacle politico-médiatique se sont installés sur tous les plateaux. À l’antenne, l’évocation des résultats du « dernier sondage » commencent souvent par « ce n’est qu’un sondage qu’il faut prendre avec précaution » pour passer la parole au sondeur de service qui ironise — « il faut tout prendre avec précaution aujourd’hui » —, mettant ainsi les rieurs de son côté.
On aurait tort de prendre à ceci la légère. Le passé témoigne abondamment d’élections marquées par l’influence des sondages : depuis l’écroulement de Jacques Chaban Delmas en 1974, la candidature Balladur en 1995 poussée par ses sondages de premier ministre, les opérations commandos de candidats inattendus comme Ségolène Royal en 2006 ou encore la décision de François Hollande de ne pas se représenter. Sans abuser de l’énumération, il est difficile d’ignorer que les sondages électoraux sont devenus une forme de para-institution, absente de la Constitution et pour l’essentiel de toute réglementation, qui façonne la politique de la France et d’autres pays.
Lire aussi Pierre Bourdieu, « La fabrique des débats publics », Le Monde diplomatique, janvier 2012.
Ces sondages électoraux concernent surtout les intentions de vote. Il en est d’autres, dits de « jour du vote » ou d’« après vote », utiles à l’analyse mais par définition non performatifs car ils ne changent évidemment pas un passé révolu. Seulement, les intentions de vote ne désignent pas la même chose selon les moments de la campagne. À leur début, elles n’existent pas la plupart du temps. On dit aussi qu’elles ont un faible degré de réalité. Du moins beaucoup d’entre elles. Comment pourrait-il en être autrement alors que les candidats ne sont pas tous connus ? Des calculs politiques se fondent donc sur des données qui existent de façon inégale voire qui, dans une large…
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Auteur: Alain Garrigou