Quelques considérations sur l'enseignement des sciences naturelles, dans les écoles, au début du XXIe siècle

Quelques considérations sur l’enseignement des sciences naturelles, dans les écoles, au début du XXIe siècle de Frédéric Metz paraît ce mois-ci aux éditions Pontcerq. Nous en livrons ici les premières pages auxquelles succèdera la semaine prochaine une « Tapisserie des programmes » un peu brutale.

« Zum Sehen geboren
Zum Schauen bestellt… »
Goethe, Faust II.

1.

Dans les sciences naturelles, c’est comme si notre regard (la Vue) se trouvait peu à peu frappé de caducité. Les yeux du savant ne se portent plus sur l’apparition de ses objets – dans la nature : bêtes, plantes, roches, etc. Aussi bien, ce qui est pour lui essentiel désormais est invisible à l’œil nu (agencements de molécules, mouvements à l’échelle cellulaire, influx électriques, onde électromagnétique hors du spectre) ; voire ne relève tout simplement plus d’aucune visibilité (information statistique, taux moyen). La vue est en quelque façon dispensée, disqualifiée : impuissante à saisir du monde ce qui pour la science importe fondamentalement. Il se peut même que le savant en vienne à s’en défier ; voire qu’il fasse de cette défiance une règle élémentaire de sa méthode. « La première expérience ou, pour parler plus exactement, l’observation première, est toujours un premier obstacle pour la culture scientifique. » L’expérience fait obstacle à l’expérience. Et s’il n’y a pas de contradiction dans cette phrase, alors seulement parce qu’un divorce s’est accompli au moment de la naissance de la science moderne, et que l’expérience – comme appréhension du monde – s’est en quelque manière scindée : dans la méthode expérimentale en effet, l’expérience scientifique a désormais pour tâche de dépasser l’expérience sensible. Et « toute expérience nouvelle naît malgré l’expérience immédiate ». L’expérience scientifique (Experiment) dépasse l’expérience (Erfahrung), qu’elle relativise, voire invalide entièrement. Pour saisir la nature par-delà (ou « malgré ») son apparence, il devient nécessaire de la piéger au moyen d’un dispositif – lequel court-circuite l’apparition même. « [L]’observation et l’expérimentation ne sont plus des méthodes en continuité  ». Et dans l’expérimentation au moyen d’appareils, dans la mesure chiffrée, c’est de notre propre regard que nous entreprenons systématiquement de nous défier : c’est son caractère illusoire et trompeur, tout autant que la nature elle-même, que le dispositif…

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Auteur: lundimatin