© Filipe Ferreira
Ils sont sept, réunis dans la maison familiale. Apprêtés comme pour un jour de fête. Hommes et femmes dont les âges s’égrènent sur plusieurs générations. Toutes et tous vêtus de jupes longues et amples. Toutes et tous se prénomment Catarina. Toutes et tous ont tué ou vont tuer un fasciste. C’est une tradition dans cette famille du sud du Portugal : lorsque l’un des siens atteint ses 26 ans, il se soumet à ce rituel initiatique. Depuis déjà quelque soixante-dix ans. Dans Catarina et la beauté de tuer des fascistes, Tiago Rodrigues, auteur et metteur en scène, va droit au but et nous projette dans une fiction où l’extrême droite a pris le pouvoir par les urnes, et s’attelle à démanteler la démocratie. Que faire ? Que faire face à ces discours de haine qui se propagent dans l’Europe entière, à ces programmes politiques homophobes et racistes qui entendent rétablir le socle « famille-patriarcat-patrie » ? Croisant une mémoire intime et l’histoire nationale, entremêlant passé, présent et futur, Tiago Rodrigues compose, dans des tableaux de toute beauté scénographiés par F. Ribeiro, ce qui relève à la fois d’un huis-clos familial, d’une cellule révolutionnaire et, dans son adresse frontale au public, d’une assemblée citoyenne.
La Catarina — c’est une femme — qui fête ses 26 ans, sous le regard de sa mère, de sa petite sœur, de trois oncles et d’un cousin, étrangement silencieux. Elle a attendu ce moment avec impatience, nourrie aux chants et à la mémoire des combats antifascistes. La Catarina originelle, c’est Catarina Efigénia Sabino Eufémia, ouvrière agricole née en 1928, dans l’Alentejo, à Baleizão, et abattue à bout portant le 19 mai 1954, son bébé dans les bras, par un lieutenant de la Garde nationale républicaine au cours d’une grève où elle réclamait « du travail et du pain ». José Afonso, icône du chant engagé portugais, lui dédia Cantar alentejano, dans l’album Cantigas do Maio (1971), où il souligne : « Qui a vu mourir Catarina ne pardonne pas à qui l’a tuée ».
© Filipe Ferreira
La pièce a été créée et (peu) jouée fin 2019, juste avant le confinement de mars 2020, puis reprise en tournée en 2021 et 2022. Elle est actuellement à l’affiche des Bouffes du Nord, à Paris, jusqu’au 30 octobre. Tiago Rodrigues, qui n’avait pas encore été nommé à la tête du Festival d’Avignon, y creusait ce sillon de réflexion et d’invention…
La suite est à lire sur: blog.mondediplo.net
Auteur: Marina Da Silva