Qui sont les « infréquentables » sur la scène internationale ?

Le terrible séisme qui a dévasté une zone située à la frontière syro-turque s’est inséré dans l’agenda international d’un acteur qui, depuis près de douze ans, était devenu infréquentable aux yeux de la majorité des pays de la communauté internationale : le dirigeant syrien Bachar Al-Assad. S’imposant comme destinataire d’une grande partie de l’aide destinée aux régions syriennes sinistrées, il instrumentalise ce drame pour reconquérir une forme de légitimité auprès des acteurs étrangers, avec un succès certain auprès de plusieurs pays de la Ligue arabe, dont la Syrie a été exclue en 2011.

Déjà passé du statut de paria à celui d’interlocuteur il y a quinze ans (il avait été ostracisé après l’assassinat du premier ministre libanais Rafic Hariri en 2005, avant de redevenir fréquentable en 2008, quand Nicolas Sarkozy l’avait invité à assister aux festivités du 14 juillet à Paris), Bachar Al-Assad semble profiter d’un mouvement de balancier bien connu en relations internationales. Les exemples abondent dans l’histoire, jusqu’à nos jours : on se souvient, par exemple, du sommet de Singapour entre Donald Trump et Kim Jong-Un en 2018 ; encore plus près de nous, certaines voix plaident avec insistance pour que Vladimir Poutine, malgré la guerre d’Ukraine, reste considéré comme un homme avec lequel on peut parler.

« Infréquentable » est donc un label fluctuant. Il n’en reste pas moins que ce label existe et est régulièrement mobilisé ; qui l’attribue, selon quelles modalités et quelles temporalités ?

Labelliser l’infréquentable

Expliquant sa démission du poste de médiateur de l’ONU en Syrie en novembre 2019, Staffan de Mistura déclare : « Je ne pouvais pas être celui qui serre la main d’Assad en disant : “Malesh” (Ce n’est pas grave). » Supposé dialoguer avec toutes les parties en conflit, il se trouve là face à la figure de l’infréquentable qui finit par s’imposer dans toute son épaisseur. Bachar Al-Assad, par sa réponse militaire aux mobilisations populaires de 2011 et ses violations répétées du droit international, notamment humanitaire, incarne cette infréquentabilité.

Mais il n’est pas le seul affublé de cette étiquette, et ne se prive pas d’arguer qu’il existe plus infréquentable que lui avec l’entrée en jeu de l’État islamique, proclamé en juin 2014. Par ailleurs, l’irruption de la crise syrienne a conduit…

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Auteur: Manon-Nour Tannous, Docteure en relations internationales, maitresse de conférences en science politique à l’Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA), chercheure associée au Collège de France, chercheure associée au centre Thucydide, Université Paris 2 Panthéon-Assas