Qui veut rejouer la bataille d'Alger ?

Un lieu commun du pouvoir et de ceux qui estiment « en connaître » sur la Nouvelle-Calédonie est de reprocher à leurs interlocuteurs, ceux qui alertent sur le risque d’un mouvement d’humeur du peuple Kanak, de « réfléchir dans le cadre, avec des schémas de pensées, datant des années 80 ». Mais à quelles années 80 exactement ces personnes si éclairées font-elles référence ? À quel siècle ? Voilà 150 ans que les représentants de la France en Nouvelle-Calédonie estiment que le sujet des velléités d’indépendance, de souveraineté et de possession de la terre du peuple autochtone dans cet archipel mélanésien, est « réglé ».

Systématiquement, à chaque éruption de colère dudit peuple colonisé, quel que soit le siècle envisagé, quelle que soit la période, la surprise est totale. C’est que, comme le souligne Nicholas Thomas dans la somme Les Océaniens, parue en 2020 aux éditions Anacharsis, « en dépit de violences sporadiques autour des avant-postes européens, [à partir de 1850] Nouméa devint l’enclave d’une société coloniale introvertie, rythmée par une routine de bals et de concerts, où l’on s’efforçait de suivre la mode parisienne autant que la distance le permettait. On pensait peu aux Kanak et à ce qu’ils pourraient devenir. (…) C’était, d’une certaine façon, un non-sens : les Kanak étaient présents dans toutes les sphères de l’économie coloniale. Par ailleurs, surtout dans les milieux urbains protégés, cette insouciance participait d’une réelle myopie, d’une incapacité à reconnaître les habitants de la colonie et à admettre les tensions que cette présence engendrait inexorablement. »

Cette fois encore, cette année encore, le problème est censé être « réglé », ou en passe de l’être enfin « définitivement ». L’évènement Covid a laissé un répit au moment opportun afin que les bars et les restaurants rouvrent sur la Baie des Citrons et l’Anse Vata, les deux plages des « Quartiers Sud » de Nouméa. La routine des bals et des concerts, mais aussi des beuveries rituelles du vendredi et du samedi soir, a pu reprendre. L’insouciance et la myopie règnent à nouveau en maîtres. Tout juste, sur place, flotte-t-il un parfum de calme et d’apathie paradoxales. La fin de l’Accord de Nouméa – signé en 1998, dix ans après la fin des « Évènements » et de la quasi-guerre civile qui secouait l’archipel – approche. C’est ce texte qui précise les modalités du processus de décolonisation supervisé par…

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Auteur: lundimatin