Race, racisme, racialisation : Mobiliser les « mots en R » pour comprendre la condition immigrée


Les politiques de contrôle des frontières sont-elles racistes ? Bien peu de personnes directement concernées se risqueraient à répondre par la négative si une telle question leur était explicitement adressée. Les mêmes ne formuleraient pourtant pas tous leurs griefs en ces termes si elles n’y étaient incitées par la question.

Dans cette ambivalence se niche une des multiples tensions des luttes pour les droits des étrangers et des étrangères : comment doivent-elles s’articuler avec des luttes antiracistes, lesquelles sont loin de concerner les seuls non-nationaux ? L’exigence d’une égalité Français-étrangers et la dénonciation des ravages des politiques de contrôle aux frontières gagnent-elles à une imputation de racisme ? L’usage du terme « race » pour définir un rapport de domination (à l’instar de « classe » ou « genre ») permet-il de mieux défendre les droits des étrangers et des étrangères ?

L’énonciation du racisme

Pendant des années, les luttes antiracistes et les luttes pour les droits des étrangers ont pu sembler cohabiter sans paraître vraiment intriquées. Ainsi, le premier texte du Gisti introduisant Le petit livre juridique des travailleurs immigrés n’évoquait le racisme que de façon incidente [1]. Il est vrai que, dans la deuxième édition de l’ouvrage (1975), était reproduite une résolution de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) sur l’immigration évoquant «  la lutte contre le racisme, le colonialisme, la domination impérialiste des peuples » au nombre de leurs résolutions relatives à l’immigration [2].

La lutte pour les droits de tous les étrangers et étrangères ne pouvait cependant relever du seul anti-impérialisme : l’immigration en France était toujours quantitativement dominée par sa composante européenne (Portugais, Italiens, Yougoslaves, etc.), même si derrière le terme « travailleurs immigrés », la…

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Auteur: Emmanuel Blanchard