Rachida Brahim, La race tue deux fois

Ces mots ouvrent l’introduction de l’impeccable réquisitoire de Rachida Brahim contre le racisme postcolonial français. Son livre, dédicacé « À nos défunts », est le résultat d’une enquête sur 731 crimes racistes perpétrés en France entre 1970 et 2000. Ce travail, qui a duré sept ans et a donné lieu à une thèse de sociologie, est exemplaire, selon moi, car il réussit à concilier des affects très forts (dont les mots précédemment cités se font l’écho) et une rigueur intellectuelle qui ne se laisse aller à aucune facilité rhétorique. Ainsi, si l’on ne consultait que les nombreuses références données en notes, on pourrait penser que ce texte est en fait celui d’un procès-verbal ou, mieux, de l’instruction du procès de ce que Rachida Brahim nomme « le long massacre » qui succédait, après les indépendances des anciennes colonies françaises d’Afrique, aux massacres coloniaux. « J’ai mené des entretiens, dit-elle à la revue Ballast, et j’ai passé du temps à consulter différents fonds d’archives provenant d’associations, de la presse, de la Justice, de l’Intérieur et du Parlement. Le but était de confronter les sources afin d’objectiver le sentiment d’injustice qui émanait des entretiens. Dans les archives non institutionnelles, c’est-à-dire associations et presse, j’ai consulté des listes. Les listes d’hommes morts. Des textes de réflexion, aussi, des programmes, des bilans d’actions, des comptes rendus de réunions, des communiqués, des tracts, des appels à manifester, des correspondances, des affiches et bien sûr des coupures de presse. […] J’ai consulté des dossiers de juridictions et j’ai été confrontée à ce que m’avaient dit les enquêtés, à savoir qu’on ne retrouvait pas de mention de faits racistes. Je suis alors allée voir ailleurs, plus haut, du côté du ministère de l’Intérieur et du Parlement. J’ai dépouillé des documents ministériels tels que des synthèses relatives à des “incidents impliquant des Nord-Africains” ou aux “problèmes posés par l’immigration”. Des notes, aussi, des télégrammes, des rapports, des correspondances émanant des Renseignement généraux, des services de police et des préfectures, des autorités locales, gouvernementales ou étrangères. »

Dire ce qui eut lieu, donc. Mais aussi comment et pourquoi. Comment : Rachida Brahim distingue trois sortes de violences : idéologiques, situationnelles et disciplinaires. Les violences idéologiques sont le plus souvent le fait de…

La suite est à lire sur: lundi.am
Auteur: lundimatin