Référendum au Chili : anatomie d’un échec pour la gauche

Une « majorité silencieuse » a voté pour le « Rechazo », le refus du texte constitutionnel, au Chili le 4 septembre dernier. Cet article de la chercheuse Melany Cruz revient avec précision sur les raisons médiatiques, mais surtout sociales, culturelles et politiques éclairant ce résultat dans le cadre, il faut le rappeler, d’un vote obligatoire. C’est aussi une réflexion sur les suites de cet événement politique: selon les enquêtes d’opinion, la perspective d’une nouvelle Constitution, qui rompe avec le système hérité de Pinochet, demeure toujours très populaire.

* * *

Lors du référendum du 4 septembre, le projet de nouvelle Constitution, qui aurait remplacé celle rédigée en 1980 sous la dictature de Pinochet, a été massivement rejeté. Pendant les semaines qui ont précédé le vote, les sondages prévoyaient une victoire de Rechazo (rejet), mais la surprise a été grande lorsqu’il est apparu Apruebo (approuver) n’obtenait que 38,41 % des voix contre 61,86 % pour Rechazo. L’écart de plus de 20 points contrastait fortement avec les résultats du référendum de 2020, lors duquel 78,8 % des électeurs et électrices avaient voté en faveur de l’écriture d’une nouvelle Constitution et seulement 21,72 % s’y étaient opposés. Comme la proposition constitutionnelle soumise au vote contenait une série d’idées progressistes popularisées pendant et après le soulèvement d’octobre 2019, on pouvait s’attendre à ce que le résultat se situe dans le prolongement de la victoire de Gabriel Boric en décembre dernier, élu au second tour avec avec 55,87 % des voix. Comment expliquer dès lors cet échec ?

Le référendum du 4 septembre était le premier scrutin avec participation obligatoire en une décennie. En conséquence, le taux de participation a été parmi les plus élevés de l’histoire du Chili : 86 % de l’électorat s’est rendu aux urnes, atteignant un niveau similaire à celui du référendum de 1988 qui a initié la transition du pays vers la démocratie. Ce niveau élevé de participation a plongé les deux campagnes concurrentes dans l’incertitude quant au vote de la partie de la population habituellement abstentionniste sur le plan électoral. Lorsque le dépouillement a commencé, il était clair que la tendance dominante parmi les nouveaux électeurs était en faveur de Rechazo, ce qui a rapidement fait émerger la notion de « majorité silencieuse », qui n’exprime pas habituellement ses choix politiques par le biais du vote.

Il serait simpliste de faire de ces…

La suite est à lire sur: www.contretemps.eu
Auteur: redaction