Réforme de l’accès aux soins : comment le projet pourrait générer une crise de confiance, et comment l’éviter ?

Ces dernières années, notre système de santé s’est vu bousculé par nombre de mouvements sociaux et de crises. Pour satisfaire les acteurs concernés tout en préservant l’intérêt du public, des compromis ont régulièrement été recherchés.

C’est ainsi qu’en 2021, la loi n° 2021 502 approuvée par l’Assemblée nationale a posé un angle d’amélioration de notre système de santé. L’objectif, double, était principalement d’améliorer la confiance et de simplifier l’accès aux soins – deux chantiers phares.

Toutefois, la réflexion devant aboutir à ses applications concrètes est toujours en cours.

Quel projet pour l’accès aux soins par la confiance ?

Pour apporter des solutions concrètes à la problématique d’inégalité d’accès aux soins de santé, la députée Stéphanie Rist (Renaissance), également médecin rhumatologue, porte une nouvelle proposition de loi (n°362) dédiée à « l’amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé ».

Adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, elle a été déposée au Sénat pour une première lecture prévue le 14 février 2023.

L’idée est de faciliter l’accès aux soins en accordant, d’une part, plus de confiance aux infirmiers de pratique avancée (IPA), aux masseurs-kinésithérapeutes, aux orthophonistes et, d’autre part, en créant le corps des assistants bucco-dentaires.

Plus concrètement, après trois ans d’ancienneté en qualité d’infirmiers et deux années d’études supplémentaires, les IPA devraient pouvoir réaliser des actes médicaux et prendre en charge des patients sans que ces derniers ne leur aient été confiés par un médecin. Cela concerne actuellement près de 1 700 professionnels en 2023 (935 en 2021).

Les patients, quant à eux, devraient pouvoir facilement et directement les consulter sans passer par l’étape de leur médecin traitant. De quoi développer l’accès au soin.

Au regard de la pénurie de médecins, de la démographie médicale et de l’évolution des besoins en soins de santé publique, cette réforme semble apporter des éléments de réponse…

Il est toutefois important de réfléchir à ses conséquences possibles. En effet, si l’objectif est ici de doter ces professionnels de santé de prérogatives élargies, diagnostic, prescription et suivi médical restent les devoirs fondamentaux des médecins généralistes. Au risque de voir émerger des conflits.

Quelques cas concrets

En effet, même si les domaines de compétences et d’expertises de chaque catégorie de professionnels seront clairement définis, le fait que des patients puissent s’orienter vers un infirmier de pratique avancée sans l’autorité du médecin pourrait entraîner diverses formes de crises de confiance à plusieurs niveaux :

  • Au niveau des patients. Les patients pourraient émettre des doutes quant à la qualité des soins reçus si diagnostic et traitement sont réalisés par les infirmiers de pratique avancée et non un médecin. Imaginons que nous nous rendions chez un IPA pour vomissements ; une gastro-entérite est diagnostiquée et le traitement en relation est prescrit. Cependant les vomissements persistent et une consultation auprès du médecin traitant est prise. Celui-ci diagnostique une obstruction intestinale et recommande une intervention chirurgicale immédiate. La crainte d’avoir été mal diagnostiqué à l’origine par l’IPA est réelle.

  • Entre IPA et médecins généralistes. Un IPA pourrait être amené à traiter un patient souffrant de maladie chronique sans consulter son médecin traitant. Ce dernier, en examinant par la suite le dossier de son patient, pourrait décider de changer le traitement prescrit s’il lui semble inadéquat – la nouvelle loi ne remettant pas en cause son autorité et son expertise supérieure. Même après discussion, l’IPA pourrait ressentir un sentiment de dévalorisation et se remettre en question quant à sa légitimité.

  • Envers l’ensemble du système de santé et de la communauté médicale. Si, d’une part, les patients ne se sentent pas en sécurité lors de leur prise en charge et que, d’autre part, des discordances se font régulièrement entre médecins et IPA, cette troisième forme de crise de confiance peut s’installer. Les médecins peuvent résister à cette évolution des pratiques afin de protéger…

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Auteur: Brice ISSEKI, Docteur en sciences de gestion et du management, Université Paris Cité