Réforme des retraites : comment les parlementaires tentent de rassembler leurs troupes

La réforme des retraites engagée par le gouvernement Borne met en lumière les diverses dynamiques internes à l’Assemblée nationale. À gauche, la stratégie de mobilisation de l’opinion complète celle de l’obstruction avec le dépôt massif d’amendements – près de 6 000 amendements en commission des Affaires sociales et près de 18 000 amendements en séance publique.

À droite, Les Républicains sont en position de faiseurs de roi en votant avec la majorité en échange de concessions sur l’âge de départ les carrières longues. Au Rassemblement national, discret sur le sujet, on se targue d’avoir obtenu (par tirage au sort) l’examen de sa motion référendaire sur le projet de réforme.

Enfin, au sein de la majorité présidentielle, le défi est de mobiliser les troupes et d’assurer une cohésion de vote. Il y a alors lieu de comprendre le rôle clef des groupes politiques à l’Assemblée, tant pour assurer une cohésion idéologique que de bénéficier des avantages stratégiques liées à la création d’un groupe.

Les groupes politiques et leur cohésion

Comme dans tout parlement, l’Assemblée nationale se compose de « groupes politiques », où les députés se regroupent généralement par affinité (souvent issus du même parti politique), animés par la défense d’un intérêt commun (le groupe « Groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires » défend les territoires et leurs identités) ou encore pour des raisons techniques, c’est-à-dire constituer un groupe sans attache partisane, dans le but de bénéficier des avantages d’un groupe politique. Ce dernier cas est apparu à plusieurs reprises, en 1959 avec la « Formation administrative des élus d’Algérie et du Sahara », en 1993 avec le groupe « Liberté et République » ou encore en 2018 avec le groupe « Liberté et Territoires », l’ancêtre de l’actuel groupe LIOT.

Pour les groupes de la majorité et de l’opposition, il est important de montrer cohérence et unité. Pourtant, le système électoral français devrait inciter à cultiver un vote personnel des députés (étant donné qu’il n’y a qu’un seul siège par circonscription). Ce ne serait sans compter sur l’augmentation de la cohésion et de la discipline de parti sous la Ve République comme le rappelait le professeur de science politique Nicolas Sauger. Cette discipline de vote est possible puisque plusieurs prérogatives relèvent des groupes (c’est-à-dire sa présidence) et non du bon vouloir des députés, comme la répartition dans les commissions, du temps de parole… et même la place dans l’hémicycle (être dans l’axe des caméras de l’Hémicycle peut être un atout pour montrer sa visibilité).

Le meilleur et le pire de l’Hémicycle, Huffington Post, 2022.

Le manque de solidarité envers le groupe peut se solder par une exclusion du député. Il est également possible pour le président de la République de discipliner indirectement les plus réfractaires de sa majorité avec l’arme de la dissolution de l’Assemblée. C’est ce que le général de Gaulle avait répliqué à la censure du Gouvernement Pompidou en 1962. Une telle option serait alors possible en cas d’indiscipline des députés de la majorité sur le sujet des retraites puisqu’il se murmure qu’Emmanuel Macron envisagerait de dissoudre à son tour l’Assemblée.

De l’intérêt d’avoir son groupe parlementaire

Disposer d’un groupe politique octroie des avantages non négligeables en raison du Règlement de l’Assemblée nationale (RAN) qui oblige les organes à reproduire la configuration politique de l’Assemblée. Cela concerne entre autres la répartition du temps de parole, du nombre de sièges dans les commissions, des responsabilités du Bureau de l’Assemblée (vice-président, secrétaire, questeur) ou des rapporteurs. De plus, chaque président de groupe politique participe à la Conférence des présidents, l’organe chargé de déterminer l’agenda de l’Assemblée, dont le nombre de voix est égal au nombre de membres de son groupe.

Dans un contexte où le parti présidentiel ne dispose pas de la majorité absolue des sièges à l’Assemblée, former son propre groupe à l’Assemblée (d’au moins 15 députés) est d’autant plus intéressant pour le MoDem et Horizons afin…

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Auteur: Julien Robin, Doctorant en science politique, Université de Montréal