Réforme des retraites : la radicalisation contre la radicalité

Éditorial de février 2023

Le succès des quatre journées de mobilisation contre le projet de réforme des retraites du gouvernement conduit à un constat contradictoire. Et un peu amère… Avec, en moyenne, un million de personnes descendues dans la rue les 19 et 31 janvier et les 6 et 11 février, ainsi qu’une majorité de Français déclarés hostiles à la réforme[1], l’échec du gouvernement à convaincre du bien-fondé de son texte est acté. Pourtant, sur les bancs de l’Assemblée nationale, les macronistes ont certainement déjoué les obstacles que se dressaient devant eux. D’abord en disciplinant leurs propres troupes : il en est ainsi de Barbara Pompili, frondeuse en carton vite rentrée dans le rang grâce à la promesse d’une nomination à la tête de la Commission nationale du débat public, révèle Le Canard enchaîné. Ensuite, et surtout, en s’assurant des votes de l’essentiel des députés du groupe LR, en dépit des tentatives de dissuasion venues de son aile « gauche » (guillemets de rigueur…), incarnée par Aurélien Pradié et Pierre-Henri Dumont. Après bientôt un mois de contestations, se retrouver à contre-courant de l’opinion publique n’aura donc pas ébranlé les parlementaires initialement indécis.

Dès lors qu’existe une majorité pour valider les points essentiels de la réforme, à savoir la suppression des régimes spéciaux et le recul de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans, difficile d’imaginer que la loi ne soit pas adoptée par la représentation nationale. Et l’opposition au palais Bourbon, qui ne manquera pas de saisir le Conseil constitutionnel avant sa promulgation, sait qu’il est vain de compter sur le zèle de celui-ci, même si cette réforme, nichée dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative, apparaît comme un probable « cavalier législatif » que le Conseil devrait en principe censurer… si le droit primait réellement sur les considérations politico-économiques.

Aussi, la seule voie praticable pour tous ceux qui rejettent la réforme est dorénavant infra-institutionnelle : c’est la voie de la radicalisation populaire du mouvement, au travail et dans la rue. Si les syndicats ont jusqu’ici misé – fort habilement d’ailleurs – sur des manifestations d’ampleur, ils conservent à portée de main les leviers de la grève et des blocages qu’il ne reste donc qu’à actionner. Le secrétaire général de la très prudente CFDT Laurent Berger n’est-il pas lui-même en train d’envisager la…

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Auteur: Pierre-Henri Paulet