Sur le port de Catane, à l’est de la Sicile, des milliers de personnes en péril débarquent, accompagnées des corps de celles qui n’ont pas survécu à la traversée de la Méditerranée. Dans un contexte d’indifférence générale et de criminalisation des migrants, un petit groupe d’habitant·e·s’est mobilisé pour redonner un nom aux défunts et joindre leurs familles. C’est à cette politique publique civile, palliant une profonde incurie étatique, qu’est consacré le beau livre de Carolina Kobelinsky et Filippo Furri, Relier les rives. Sur les traces des morts en Méditerranée, dont nous présentons ici quelques pages. De visites au cimetière en consultations de dossiers administratifs, ce sont de véritables enquêtes qui sont menées par ces citoyens, afin de sortir ces « corps sans importance » de l’anonymat et de la masse statistique où ils sont d’ordinaire confinés par les monstres froids qui nous gouvernent – quand ils ne sont pas tout simplement ignorés et passés par pertes et profits. Entre reportage, science sociale et intervention militante, ce livre à plusieurs voix, croisant récit et analyses, mais aussi poèmes ou chansons, nous raconte la vie des morts : celle qu’ils ont eue avant de mourir, telle que quelques traces permettent de la deviner, mais aussi la vie psychique que leur mort elle-même produit chez les vivants – ceux du moins qui d’un point de vue éthique ne sont pas devenus des morts-vivants. Au-delà du simple mais fondamental travail de mémoire et d’hommage, au-delà de la production d’intelligibilité et de savoirs, ce livre questionne et interpelle la sensibilité. En ces temps d’anesthésie collective, et de calme et tranquille ensauvagement du continent, il fait œuvre utile, salutaire, impérieuse.
Afin de faire connaître la réalité des morts aux frontières de l’Europe, des associations de défense des personnes migrantes et des collectifs de la société…
La suite est à lire sur: lmsi.net
Auteur: Carolina Kobelinsky, Filippo Furri