Rémi Lefebvre : « Il y a une aspiration à une vie plus sobre, plus fraternelle, la gauche peut s'appuyer là-dessus ! »

basta!  : Dénoncer systématiquement les attaques du néolibéralisme depuis des décennies (dégradation des conditions de travail, des services publics, privatisation, réforme des retraites à répétition, etc.), reviendrait selon vous à entretenir un sentiment d’impuissance. Pourquoi ?

Rémi Lefebvre : Loin de moi l’idée qu’il ne faille pas dénoncer le néolibéralisme et analyser les types de dominations qu’il engendre. La gauche a évidemment une dimension protestataire, d’indignation et de colère, mais je trouve qu’elle se satisfait d’une forme de facilité. Le mot « néolibéralisme » est souvent utilisé comme épouvantail, un repoussoir dans lequel on place des choses très différentes, et c’est parfois assez paresseux intellectuellement. Le problème de cette posture anti-libérale, est qu’elle est uniquement négative. Cette résistance – nécessaire – n’embraye pas sur la construction de possibles, de récits positifs, d’utopies concrètes, au sens où l’emploie le sociologue Erik Olin Wright (États-Unis) qui réfléchit aux formes de stratégies alternatives de transformation sociale. La gauche semble avoir perdu son appétence pour des transformations ici et maintenant : des formes alternatives de vie, de solidarité, de travail, qui existent, mais qu’elle n’appuie pas là où elle peut le faire concrètement. Le problème, enfin, c’est qu’une partie de la gauche a aussi cédé au néolibéralisme. Le PS au pouvoir avec François Hollande a mené une politique de l’offre très à droite qui a abîmé durablement l’idée de gauche.

La gauche n’arrive plus à transformer nos vies ici et maintenant dîtes-vous. Elle ne manque pourtant pas de leviers au niveau local, là où elle dirige des collectivités…

Rémi Lefebvre

Rémi Lefebvre est professeur de sciences politiques à l’université de Lille et chercheur au Ceraps (Centre d’études et de recherches administratives, politiques et sociales). Il vient de publierFaut-il désespérer de la gauche ? (Ed. textuel, mars 2022).

Les partis les plus institutionnalisés, PS et PC, pourraient accomplir bien des choses au niveau local, ce qu’ils ne font plus. L’échelle locale n’est pas suffisamment un lieu de transformation sociale effective. Les municipalités, de gauche comme de droite, font toutes aujourd’hui la même chose, avec leur logique d’attractivité – j’attends d’ailleurs de voir ce que les écologistes vont faire dans les villes qu’ils gèrent. La gauche ne peut pas se contenter…

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Auteur: Ivan du Roy